Le Travailleur de la nuit

de Matz et Léonard Chemineau. Editions Rue de Sèvres. 128 pages.

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Il est des vies qui semblent en contenir dix: celle d’Alexandre Jacob était d’évidence de celles-là. Né à Marseille à la fin du XIXe siècle, cet extraordinaire inconnu sera tour à tour marin, anarchiste, époux, bandit, bagnard, vendeur de draps et résistant, avant de se suicider sans tristesse à la fin d’une existence qui n’aurait jamais dû être aussi longue, « afin que rien ne revienne à l’État, mon vieil ennemi« . Il fut ce qu’on appelle un témoin de son siècle: Maurice Leblanc s’est probablement inspiré de lui en inventant Arsène Lupin -comme lui, Alexandre Jacob ne volait que les riches et laissait des mots courtois sur les lieux de ses crimes- et Albert Londres s’est directement appuyé sur ses témoignages et ses 20 ans de bagne à Cayenne pour écrire de fameux articles qui finiront par avoir la peau de ces institutions inhumaines. Bref, Alexandre Jacob est passionnant, tout autant que cette bande dessinée qui lui rend un vibrant et très malin hommage. D’abord par l’intelligence de son scénariste Matz, qui prend les libertés nécessaires pour transformer cette biographie en véritable récit d’aventures (entre autres en menant le récit à la première personne et en usant de flash-backs), ensuite par la grâce de son jeune dessinateur Léonard Chemineau: sous des dehors très classiques, son dessin expressif et ses couleurs chaudes semblent à l’aise dans toutes les atmosphères, qu’elles soient maternelles, amoureuses ou infernales. Une palette de lieux et d’ambiances comme on en voit rarement dans un seul et même album, scandée par la voix de cet Alexandre Jacob qu’on n’oubliera pas de si tôt: « J’ai vu le monde, et il n’était pas beau. »

O.V.V.

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