Le Sillon

La narratrice, alter ego de l’auteure, voue un amour inconditionnel à Istanbul même si elle concède que le nombre de « disparus » est en croissance constante et que l’esprit critique et l’État de droit sont déniés. Au départ, c’est l’amour bancal d’un homme qui l’y a conduite, puis la volonté de comprendre les dérives du système en côtoyant des personnalités d’opposition. Car cette autofiction est avant tout un hommage vibrant au journaliste d’origine arménienne Hrant Dink, partisan de la coexistence des différences, assassiné en 2007 pour  » insulte à l’identité turque« . Française d’origine, Stambouliote de coeur, Valérie Manteau déambule dans le labyrinthe fascinant de la ville où s’élèvent maints questionnements sur l’engagement au moment où nombreux sont ceux qui désertent le pays. Elle fustige le nombrilisme de la France qui balaie les attentats perpétrés en Turquie depuis dix ans. Le voyeurisme des Européens l’indispose, leur inaction face à la montée d’un nationalisme nourri de religion, aussi. Mais malgré la gravité du propos et le tragique des situations, l’auteure ne manque pas d’humour. Le Sillon, à la fois symbole de germination et de tranchée profonde, risque de marquer les esprits car Valérie Manteau nous permet de côtoyer des personnalités aussi magnétiques qu’Asli Erdogan, Necmiye Alpay ou encore Pinar Selek; et c’est un régal intellectuel.

de Valérie Manteau, Éditions Le Tripode, 280 pages.

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