Le Silence

Dans le vol Paris-New York qui le ramène chez lui, un couple expérimente cet état de flottement propre aux longs trajets, quand  » l’essentiel des propos semble relever de quelque processus automatisé, des remarques générées par la nature même du voyage aérien« . Un degré zéro de la communication -rythmé par la lecture obsessionnelle et rassurante des paramètres de vol- brutalement interrompu par de violentes secousses et un mouvement de panique. Pour son 18e roman, court et entêtant, l’auteur de Cosmopolis reste fidèle à son thème de prédilection: l’observation du chaos, déclenché ici par une panne électrique géante plongeant le monde dans la sidération. Alors que hors champ, les gens descendent dans la rue, que la tension monte, quelque part dans un appartement en bordure de Central Park, trois personnes qui s’apprêtaient à assister au Super Bowl, cette acmé médiatique, encaissent ce silence brutal qui met à nu notre hyper dépendance technologique. Max dialogue avec l’écran noir tout en sirotant son whisky tandis que sa femme écoute Martin, son ancien élève, se perdre en conjectures sur les causes de la catastrophe, de l’implication d’une intelligence artificielle à la « prophétie » d’Einstein sur un retour à l’état primitif. Ils seront rejoints plus tard par Jim et Tessa, qui ont miraculeusement survécu au crash de leur avion. Évoluant à la lisière de l’absurde et tapissé de conversations et de pensées décousues, ce huis clos déroutant et fascinant rend palpable l’angoisse d’un monde sevré d’images, de sens et même de langage. Vertige garanti.

De Don DeLillo, éditions Actes Sud, traduit de l’anglais (états-Unis) par Sabrina Duncan, 112 pages.

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