Le salaire de la peur

Get Out

En deux films à peine, aujourd’hui coffrés en DVD, Jordan Peele s’est imposé comme la nouvelle coqueluche de l’horreur. Surfait? Peut-être un peu, oui.

 » L’horreur m’a toujours permis de gérer mes propres peurs. C’est pour ça que j’adore ce genre et son esthétique. » Dans l’un des nombreux suppléments qui accompagnent le coffret rassemblant aujourd’hui Get Out et Us, Jordan Peele lève le voile sur ses habitudes de tournage et ses motivations de cinéaste. Le bonus est titré Redefining a Genre: Jordan Peele’s Brand of Horror. Ce qui en dit long sur le malentendu entourant ce réalisateur américain venu de la comédie télé. Est-ce que Peele en effet a jamais, à travers ces deux films, contribué à redéfinir le genre horrifique? Certainement pas, et prétendre le contraire relève du plus pur opportunisme mercantile. Le cinéaste lui-même, un peu plus loin dans les mêmes suppléments, paie d’ailleurs largement son dû à tous ceux qui ont façonné son cinéma, de Hitchcock à Wes Craven, en passant par Don Siegel. Rien de nouveau sous le soleil, donc. Par contre, est-ce que Peele est parvenu à apposer une empreinte un tant soit peu identifiable sur son travail, en faisant par là même un plausible candidat au statut d’auteur? La réponse est oui. Et elle tient notamment à ce mélange efficace de tension et d’humour qui fait le sel de ses films, mais aussi au commentaire social qu’ils dessinent en sous-texte. Dans Alien, son film culte, Peele est allé chercher l’idée que le monstre est avant tout intérieur. Dans Night of the Living Dead, sa boussole, il a puisé sa capacité à traiter des problèmes de société -le racisme, notamment- à travers les codes de l’épouvante.

Le salaire de la peur

Plus malin et roublard que foncièrement talentueux, le cinéaste réalise en tout cas le hold-up parfait en 2017 avec Get Out, premier film fauché qui passe les stéréotypes de race à la moulinette horrifique. Véritable phénomène du box-office international, cet objet pop jusqu’au bout des ongles excelle dans l’ambiguïté et le malaise tandis qu’il louvoie entre audaces narratives et habiles propositions formelles. Pour une radiographie ouvertement hyperbolique de la psyché malade de l’Amérique, Oscar du meilleur scénario original à la clé. Mais là où Get Out évoque un bon épisode de Black Mirror, ni plus ni moins, Us, à sa suite, ressemble à un très banal épisode de The Twilight Zone. Soit un thriller horrifique à la lourde charge symbolique où les membres d’une famille afro-américaine en vacances se retrouvent confrontés à leurs doubles dégénérés armés de ciseaux. Alignant les références sans guère de cohérence, le film, bien réalisé, est miné par une écriture constamment poussive et un final surexplicatif au possible, dévoilant au passage toutes les limites, très mécaniques, de la méthode Peele. Qu’attendre dès lors pour la suite? On devrait bientôt être fixés, puisque le réalisateur vient de signer un deal avec Universal dans lequel il s’engage à tourner deux nouveaux films d’horreur au cours des cinq prochaines années.

Get Out / Us

De Jordan Peele. 2017 et 2019. Dist: Universal.

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