Le Plongeur

Paru en 2016 au Québec où il a viré au best-seller, Le Plongeur franchit aujourd’hui l’Atlantique sans l’aide de traducteur. L’histoire est celle d’un étudiant en graphisme embourbé dans une addiction au jeu. Pour  » se remettre sur la bonne track » et éponger ses dettes, ce fan de métal et de Lovecraft accepte un boulot de plongeur dans une trattoria du meilleur Montréal gentrifié. L’effet page-turner du roman d’apprentissage ne se fait pas prier: on attend que notre plongeur (mélange de mélancolie et de candeur) pousse la porte des cuisines, prenne son shift, et connaisse l’adrénaline des coups de feu. Comparant l’impressionnante cuisine de service à un  » organisme autorégulé » où chacun sait les tâches qu’il a à accomplir, le récit est une prise d’otage olfactive, qui charrie à toute heure des fumets de tomate, d’ail et de prosciutto poêlé autant que leurs envers ingrats -odeurs de graisse, de détergent, d’aliments calcinés, farine grise et éclaboussures de sauce. Hyperréaliste, documenté (outre une maîtrise en littérature comparée, Larue possède un parcours de dix ans dans la restauration), le roman, qui cite Dans la dèche à Paris et à Londres de George Orwell, surfe moins sur l’actuelle vague esthétisante de la restauration que sur le régime, aussi hypnotisant que stakhanoviste, du travail en tant qu’enchaînement et répétition de gestes. Il est aussi l’occasion du portrait d’une Montréal de sous-sols, noctambule, noire et phosphorescente, fendue en taxi à l’heure de la fermeture des bars et des remords alcoolisés. Entre accélérations et décompensations, un premier roman long et assez absorbant.

De Stéphane Larue, éditions Le Quartanier, 576 pages.

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