Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

SERRÉ COMME UN THRILLER, VIBRANT DE JUSTESSE HUMAINE ET ACCOMPLI DANS LA FORME, UN FILM SUPERBE ET PRENANT.

Le Passé

D’ASGHAR FARHADI. AVEC BÉRÉNICE BÉJO, TAHAR RAHIM, ALI MOSAFFA. 2 H 10. DIST: TWIN PICS.

9

Son justement renommé compatriote Abbas Kiarostami s’y était perdu. Asghar Farhadi réussit brillamment ce que son aîné n’avait pas su faire: tourner un film en Occident sans rien abandonner de ce qui fait de lui un très grand cinéaste en Iran. Le réalisateur d’Une séparation a situé l’action du Passé à Paris, comme il aurait pu la placer ailleurs. Car si la spécificité française y est bien présente, et l’inspire même pour des contrastes culturels remarquablement observés, Farhadi donne à son travail sur la nature et les relations humaines une évidente universalité. Dans son nouveau film, presqu’aussi formidable qu’Une séparation, il fait débarquer dans une maison de la banlieue parisienne un homme venu de Téhéran.

Suspense, émotion

Marié à Marie, Ahmad est… séparé d’elle depuis quatre ans déjà. Il est venu en France pour régler les dernières formalités de leur divorce. Mais une fois chez elle, il comprend la vraie raison de l’invitation de Marie. Cette dernière est désemparée face à la crise que traverse sa fille aînée Lucie, et au conflit qui fait rage entre elles. Ahmad n’est pas le père de l’adolescente, mais avait avec elle un rapport de confiance et d’attachement qui va le pousser à chercher ce qui la tourmente. Au risque d’amener vers la lumière un lourd secret jusque-là profondément enfoui…

Comme à son habitude, Asghar Farhadi a écrit son film « comme on écrit un thriller« , en semant dans son scénario de vraies et fausses pistes, en y distillant un suspense intense et prenant que sa mise en scène porte ensuite à incandescence. Le Passé nous rive au moindre mot, au moindre regard, au moindre geste, de personnages admirablement écrits et non moins admirablement vrais. Suspendus à leurs lèvres, à leurs yeux, nous cherchons des réponses qui ne manquent pas de susciter de nouvelles questions. La tension est permanente, l’émotion d’autant plus forte qu’elle est contenue, retenue. Les interprètes sont tous magnifiques, de Bérénice Béjo (Prix d’interprétation à Cannes) à la jeune Belge Pauline Burlet en passant par Ali Mosaffa (Ahmed) et Tahar Rahim (le nouveau compagnon de Marie). Le making of proposé en bonus permet d’entrevoir les méthodes de travail particulières de Farhadi, sans aucun doute devenu aujourd’hui un des quatre ou cinq cinéastes majeurs de son temps.

Dommage que Jafar Panahi, qui en fait partie lui aussi, soit réduit au silence par une interdiction professionnelle et une assignation à résidence… contre lesquelles l’intègre Asghar Farhadi s’est notamment élevé.

LOUIS DANVERS

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