S’INSPIRANT D’UNE HISTOIRE VRAIE, STEVEN SPIELBERG INVESTIT LA GUERRE FROIDE POUR SIGNER UN THRILLER SINUEUX DOMINÉ PAR TOM HANKS ET MARK RYLANCE.

Bridge of Spies

DE STEVEN SPIELBERG. AVEC TOM HANKS, MARK RYLANCE, AMY RYAN. 2 H 23. DIST: FOX.

8

Episode charnière de l’histoire contemporaine, la Guerre froide a généré une filmographie abondante, courant de The Spy Who Came in from the Cold, de Martin Ritt, à Tinker Tailor Soldier Spy, de Tomas Alfredson. S’en emparant à son tour, Steven Spielberg y trouve matière à un drame à l’ancienne porté par son classicisme comme par la force de ses enjeux -le genre de film que l’on aimerait, pour tout dire, voir Hollywood produire plus souvent.

Inspiré d’une histoire vraie, Bridge of Spies s’ouvre à la fin des années 50, alors qu’Américains et Russes se livrent une guerre d’intoxication sur le point de dégénérer. Un contexte vicié dans lequel le FBI ferre un jour, dans son appartement de Brooklyn, un gros poisson en la personne de Rudolf Abel (Mark Rylance), peintre du dimanche et agent soviétique à temps plein. Refusant de coopérer, l’homme semble promis à la chaise électrique. Moment où James Donovan (Tom Hanks), un avocat spécialisé dans les assurances après avoir officié lors du procès de Nuremberg, est invité à le défendre. D’abord hésitant, eu égard à la paranoïa ambiante, mais aussi aux menaces qui pourraient peser sur sa famille, Donovan finit toutefois par accepter au nom de ses idéaux et de principes garantissant une justice équitable pour tous. Si l’issue du procès ne fait guère de doute, il s’y montre néanmoins habile stratège. A tel point qu’au moment de négocier la libération d’un pilote américain espion capturé par l’URSS, c’est tout naturellement vers lui que se tourne la CIA pour mener l’opération dans le plus grand secret. Et de mettre le cap sur Berlin, alors même que le Mur s’apprête à y figer le temps…

Steven Spielberg raconte, dans les passionnants bonus qui complètent le Blu-ray, avoir grandi, au fin fond de Phoenix, Arizona, dans la hantise d’une apocalypse imminente. Si Bridge of Spies restitue limpidement ce climat de peur et d’urgence ambivalente propre à la Guerre froide, ce n’est pas là le seul intérêt du film. Entre drame de prétoire et thriller d’espionnage, le réalisateur aborde diverses questions morales à la résonance contemporaine criante, en quelque prolongement de son récent Lincoln. L’auteur de Saving Private Ryan y fait par ailleurs preuve de sa maîtrise habituelle: s’ouvrant sur une impeccable scène de filature new-yorkaise, Bridge of Spies orchestre son argumentaire en flux de tension que le scénario de Matt Charman et des frères Coen relève de respirations caustiques, manière d’aérer ce thriller sinueux. En résulte un grand moment de cinéma, puissamment incarné par une distribution d’exception où, aux côtés de Tom Hanks, impérial, on épinglera tout particulièrement la composition de Mark Rylance, magistral espion qui venait du froid, dûment oscarisé pour la cause.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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