La sortie (modeste) du « director’s cut » de Mr. Nobody s’inscrit dans la dialectique souvent délicate des rapports auteur-producteur.

Ce beau succès belge du film de Jaco Van Dormael vaut à Mr. Nobody les honneurs d’une sortie dans sa version « director’s cut », le montage initialement prévu par son auteur et réalisateur. Il s’agit certes d’une diffusion limitée. Mais qui permet au cinéphile curieux de découvrir le film tel que Van Dormael l’a voulu et présenté -sans succès- aux sélectionneurs du Festival De Cannes. C’est le ratage de l’opération cannoise qui a déclenché les pressions pour raccourcir le film. La production comptait beaucoup sur la promo internationale qu’offre une présence en compétition officielle sur La Croisette, et c’est le rejet des sélectionneurs qui l’a décidée à exiger un remontage supposément plus commercial de Mr. Nobody. Ainsi est née la version courte (2 h 17) qui a fini par sortir après la présentation du film au Festival de Venise. Si cela n’apaisera pas ses justes regrets, Jaco Van Dormael est heureux que « sa » version, d’une durée de 2 h 35, soit aujourd’hui visible dans quelques salles belges avant d’être disponible en VOD et ensuite en DVD. Ce montage intégral offre à l’£uvre un supplément de fluidité, qui peut donner au spectateur l’impression paradoxale que le film n’est en fait pas plus long d’une petite vingtaine de minutes… Une question de rythme, de tempo, qui fit déjà en son temps paraître le « director’s cut » du Heaven’s Gate de Michael Cimino non seulement meilleur mais aussi subjectivement plus vite vu, alors qu’il était plus long de… plus d’une heure!

Toujours plus

Des conflits entre producteurs et réalisateurs sur le montage final d’un film, il y en eut beaucoup, et ce dès l’origine ou presque du cinéma. Les exemples de Stroheim voyant Greed amputé dans les années 20, et Orson Welles son Magnificent Ambersons monté contre sa volonté 2 décennies plus tard, illustrent dramatiquement ce type de confrontation où la décision revient toujours ou presque au producteur (légalement propriétaire absolu de l’£uvre selon la législation américaine, celle régnant en France étant théoriquement moins défavorable au réalisateur). C’est dans les années 80 qu’on vit naître des « director’s cut », le premiers et le plus fameux exemple de l’époque étant celui de Blade Runner, le succès du film permettant à Ridley Scott de faire diffuser son montage après l’exploitation en salles de la version montée par le studio. Au fil des années, d’acte de justice intellectuelle rétablissant l’intégralité de la démarche d’un artiste, la parution de « director’s cut » est devenue une sorte d’argument commercial, un marché (en salles, voir Apocalypse Now Redux, et aussi sur cassettes puis sur DVD, comme la trilogie de Lord Of The Rings) s’étant développé pour cette sorte de produit auréolé d’une crédibilité particulière, et promettant un « plus » alléchant pour le cinéphile.

DE louis danvers

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