Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

APRÈS UN EP IL Y A DEUX ANS, SON LUX, SUFJAN STEVENS ET LE MC SERENGETI SE RETROUVENT POUR UN ALBUM MUTANT INSPIRÉ PAR L’OEUVRE DE JIM HODGES.

« Sisyphus »

Sisyphus

DISTRIBUÉ PAR ASTHMATIC KITTY/KONKURRENT.

7

« Association d’un rappeur noir de Chicago, d’un singer-songwriter blanc de Detroit et d’un producteur arty aux lunettes cool », Sisyphus est une drôle et séduisante anomalie. Une étrange bête à trois têtes, sorte de Cerbère des temps modernes gardant les portes d’une pop music qui refuse de ronronner et brasse les genres en toute liberté avec un sourire en coin et une vraie volonté d’expérimentation. Sisyphus mélange ni plus ni moins que les ADN de Sufjan Stevens, de Son Lux et de Serengeti. L’homme qui rêvait de sortir un album par Etat de ses chers USA, le nouveau sorcier de l’électro-pop défricheuse Ryan Lott et le rappeur alternatif David Cohn avaient déjà sorti il y a deux ans un EP indigeste sur le label Anticon sous le nom de s/s/s. Ils reviennent aujourd’hui avec un album complet en partie inspiré par l’oeuvre de Jim Hodges.

Assez méconnu en Europe, Hodges est un artiste au processus intrinsèquement poétique qui utilise des techniques inhabituelles souvent considérées comme féminines telles le tissage et la couture. Il fabrique des tentures de fleurs en papier, recouvre de feuilles d’or les pages de journaux (The Good News)…

Soutenu par le Saint Paul Chamber Orchestra (la série Liquid Music) et le Walker Art Center de Minneapolis, Sisyphus, le disque, déboule dans les bacs alors que ce dernier organise en ses murs la première exposition rétrospective américaine sur la carrière de l’artiste contemporain.

« Baigné dans les vapeurs de vin rouge, de cigarettes au menthol et de déodorant Axe« , c’est Sufjan himself qui le dit, Sisyphus est un disque mutant. Le croisement d’une électro et d’un rap alternatifs avec une pop indie éthérée et mélancolique. Un album qui parle de cul, de came, d’alcool, de séparation, de vie, de mort et de fric… Raconte l’histoire des deux plus grands hors-la-loi que l’Amérique ait jamais connus (Lion’s Share). Et remet, entre quelques leçons de grammaire à Miley Cyrus, le sieur Stevens sur notre chemin quatre ans après un disque, The Age of Adz, qui nous avait laissés sur le bord de la route.

On pense plus d’une fois à Flight of the Conchords, ce duo touche-à-tout de Néo-Zélandais barjots, en écoutant le super trio jouer avec le hip hop et la disco new age… Mais les trois Américains ne tombent jamais dans le pastiche. Parvenant même à se forger un son unique, à trouver un équilibre assez surprenant entre leurs univers et à fabriquer des titres plutôt jouissifs comme Calm it Down et Rhythm of Devotion.

Dans la mythologie grecque, Sisyphe est le type qui a fondé Corinthe et que les Dieux ont condamné à faire rouler une pierre en haut d’une colline jusqu’à la fin des temps. Camus finissant par l’ériger en symbole de l’absurdité dans la vie. Tout sauf un résumé de ce projet excitant, personnel et singulier.

JULIEN BROQUET

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content