A première vue, Stefan Mani n’est pas homme à douter. A la deuxième ou troisième non plus: ses bras -aussi épais que nos jambes, collées ensemble- et ses tatouages tribaux semblent sortis tout droit d’un de ses romans, remplis de durs à cuire, d’armoires à glace et de sociopathes prêts à tuer. Mais il suffit pourtant de quelques mots, les premiers de ses livres, pour faire trembler l’auteur islandais de Noir Océan puis de Noir Karma, des polars pleins de fureur et de testostérone. Un moment plein de stress pour une force de la nature dont les métaphores sur l’importance des incipits nous mènent de la pêche à l’opéra…

Noir Karma est paru récemment en français, mais fut écrit il y a sept ans déjà. Vous vous souvenez de la première phrase?

En islandais en tout cas, oui, bien sûr. J’y ai beaucoup, beaucoup, pensé avant de l’écrire définitivement. Les premières lignes, c’est comme la première scène d’un film, les premières notes d’une symphonie… Il s’agit de harponner le lecteur, mais surtout de lui donner le goût de ce qui l’attend, une idée précise de l’univers qui va suivre ensuite. Lui dire quel livre il tient entre les mains. Je suis aussi un lecteur: en librairie, j’ouvre un livre, je lis les premières pages. Je lis ensuite les dernières, et si j’aime les deux, j’achète le livre. La première phrase, c’est l’ouverture de l’opéra. Les chants ne sont pas encore présents, mais on ressent déjà l’atmosphère de l’ensemble. C’est en tout cas l’ambition. Ensuite seulement, quand le lecteur a mordu à l’hameçon, je le ferre et je le pêche!

L’incipit de Noir Karma a été la première phrase du roman à être écrite?

La dernière, plutôt! J’essaye de suivre toujours une même technique d’écriture: un squelette, une ligne narrative, le début, la fin, et puis le reste. Il s’agit de grimper une montagne, j’aime savoir où je vais, reconnaître le parcours et ses difficultés. Ensuite, et c’est la beauté de notre métier, dès qu’on démarre, le plan se précise et change. On prend d’autres chemins, d’autres embûches apparaissent. Il faut être ouvert au changement, se laisser porter par l’histoire et les personnages. C’est pour ça qu’en bout de course, je reviens toujours sur les débuts, que je réécris beaucoup.

Vos polars ne sont pas « que » des polars. L’ambiance, l’atmos-phère, surtout ici, semblent presque plus importantes que l’intrigue. Dans vos premières phrases également.

Oui, Noir Karma est un livre très particulier, très impressionniste, pour un polar. Il fallait rendre immédiatement le ton du livre, ce « black spirit » qui l’habite, cette idée de destinée et de tragédie liée à Stefan: le lecteur sait qu’il va mourir, les enjeux ne sont pas là, mais dans le parcours intérieur. Je travaillais comme un architecte sur Noir Océan, Noir Karma tient plus de la peinture.

Le prochain est écrit? Sa première phrase est définitive?

Il est écrit oui, il devrait sortir au mois d’octobre en Islande. Là aussi, j’ai dû bosser, mais je l’ai. Elle est OK je pense. l

PROPOS RECUEILLIS PAR OLIVIER VAN VAERENBERGH ILLUSTRATION BLEXBOLEX

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