Le Livre de la faim et de la soif

DE CAMILLE DE TOLEDO. ÉDITIONS GALLIMARD. 384 PAGES.

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« Eh bien, je dis, c’est l’histoire d’un livre. Un livre, oui, comme un personnage. » Soit une fiction labyrinthique où, voulant sortir de lui-même, le livre raconte sa transformation pour entrer dans la vie, le Dehors. Courant à ses côtés, un Sancho Pança campe son dactylographe, son serviteur, son obligé. Il y a un trop-plein d’histoires désormais: celle du Géant qui voulait manger la Terre, du monde qui se fendit en deux, celles qui nichent dans les shopping malls climatisés. Et le livre de se chercher un avenir, dans un rickshaw en Inde, sur un longboard à Tokyo, au Ski Center de Dubaï… On s’autorise à penser dans les milieux autorisés que tout ce que touche Toledo est prodigieux. Glissant à la surface des choses, le théoricien de l’art surligne ici combien le livre a appris à grinder, truffe ses errances d’onomatopées, frtttt, de vignettes illustratrices et se pique de moucheter l’ouvrage de zébrures de pop culture. Au lecteur travaillé par la question « Écrire quoi? Quel livre? », on suggère Le Roman impossible où Thierry Hesse convoque Kundera, Modiano, Roth pour fuguer entre des îlots de livres qui affleurent. Mieux: Le Séducteur, vertigineux kaléidoscope d’histoires où Jan Kjærstad transporte ses lecteurs en les invitant à penser plus grand. Dans son orphelinat d’histoires abandonnées, Toledo martèle qu’il « saigne des possibles », exhorte son lecteur à ne pas faire sa chochotte -pour une fois, lâcher prise. Sur ce point, c’est une réussite: le livre, ce galopin, plusieurs fois nous tombe des mains. « Faut-il donc que vous en soyez réduit à cette affligeante dispersion? Faut-il que vous versiez, vous aussi, dans la performance? »

F.DE.

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