MERCREDI 15

Première conférence de presse (The Great Gatsby), et premières bousculades. Leo DiCaprio, Tobey Maguire et Baz Luhrmann rameutent la foule, mais s’en tiennent, pour l’essentiel, aux banalités d’usage. Sur les écrans, le Festival tente le grand écart entre ce même Gatsby, ouverture calibrée paillettes et défilé de stars, et l’âpre Heli, du Mexicain Amat Escalante qui, donnant le coup d’envoi de la compétition, cueille les journalistes à froid par sa violence frontale.

JEUDI 16

Les vendeurs de parapluies font des affaires. Quant au Festival, il entre dans le vif du sujet avec Jeune et jolie, de François Ozon, Marine Vacht étant la première sensation cannoise. Sofia Coppola s’en tient à un Bling Ring bling-bling, laissant à Jia Zhangke le soin de surprendre avec A Touch of Sin. Recevant le Carosse d’or, Jane Campion salue Jean Renoir, mais encore Pierre Rissient, qui vint la découvrir aux antipodes pour l’imposer dans le cénacle cannois -la classe, assurément.

VENDREDI 17

Pour sa première incursion à Cannes, Asghar Farhadi fait l’unanimité, ou presque, avec Le Passé. Quelques heures plus tard, Like Father, Like Son, un moment de grâce comme seul Hirokazu Kore-eda peut les façonner, vient confirmer que cette 66e édition est partie sur des bases très élevées. Enfin, à la Semaine de la Critique, Suzanne souligne le talent de Katell Quillévéré, comme d’ailleurs de Sara Forestier et François Damiens, jamais meilleur que lorsqu’il s’affiche vulnérable.

SAMEDI 18

Il fallait un Arnaud Desplechin pour s’attaquer à Psychothérapie d’un Indien des plaines, de Georges Devereux. Remarquable par bien des aspects, son Jimmy P. ne convainc pourtant pas totalement, à l’inverse du Inside Llewyn Davis, des frères Coen, film modeste mais tout simplement épatant. Dans l’intervalle, Alexandre Jodorowsky a expédié le Festival dans des sphères inusitées, rompant un silence cinématographique de 23 ans avec une Danza de la realidad d’une insolente et réjouissante liberté.

DIMANCHE 19

Un film hollandais en compétition, voilà 38 ans que cela n’était plus arrivé. Borgman, d’Alex van Warmedam, est celui-là, incursion appréciée dans le domaine de la comédie noire. Blood Ties, de Guillaume Canet, revisite pour sa part le cinéma américain des années 70 en mode fétichiste. Et puisque les échanges franco-américains fonctionnent décidément on ne peut mieux, Benicio del Toro salue la passion d’Arnaud Desplechin alors qu’on l’interroge sur son incarnation habitée de Jimmy P.

LUNDI 20

Les vendeurs ambulants ont troqué les parapluies pour des lunettes de soleil. Dans un mouvement synchrone, l’intérêt baisse d’un cran dans les salles, et Takashi Miike joue au Tony Scott nippon dans Shield of Straw. Le soir venu, Paolo Sorrentino remet les pendules à l’heure avec une Grande Belleza au petit parfum de Dolce Vita. Entre-temps, Jodorowsky apparaît comme un facétieux gamin de 84 ans, transformant l’interview en un show où il débite des anecdotes plus ahurissantes les unes que les autres.

MARDI 21

Journée faiblarde: le nombriliste Château en Italie de Valeria Bruni-Tedeschi déçoit; Grigris, de Mahamat-Saleh Haroun apparaît fort en retrait d’Un homme qui crie; il n’est jamais que Steven Soderbergh pour donner le change avec Behind the Candelabra, téléfilm HBO et biopic autour de Liberace que transcendent Michael Douglas et Matt Damon. A la première de son film LesSalauds, Claire Denis rend un hommage ému à Jane Campion et à An Angel at My Table. La classe, encore.

MERCREDI 22

Only God Forgives, le trip ésotéro-sanglant de Nicolas Winding Refn, divise la Croisette -euphémisme. Il en ira de même, ensuite, de The Immigrant, le pur mélodrame de James Gray -Palme incontestable pour les uns (dont l’on est), monument de ringardise pour les autres. Quelques heures plus tard, La vie d’Adèle met tout le monde d’accord: c’est l’un des grands moments du Festival, et la révélation d’une comédienne extraordinaire, Adèle Exarchopoulos.

JEUDI 23

Incroyable: le niveau d’ensemble ne faiblit pas. Sans être un chef-d’oeuvre, le Nebraska d’Alexander Payne ne manque certes pas d’allant; quant au Michael Kohlhaas d’Arnaud des Pallières, il prend le drame historique à bras-le-corps, pour un résultat aussi inconfortable qu’intriguant. A l’abri de la cohue de la Croisette, James Gray prend le temps de revisiter son film, inscrivant son propos dans la perspective plus vaste du cinéma américain: « Nous nageons tous à contre-courant », estime-t-il.

VENDREDI 24

Abdellatif Kechiche a les faveurs de nombreux pronostics. Evoque-t-on une éventuelle Palme d’or en sa présence que le réalisateur de La vie d’Adèle tempère spontanément: « Ne me portez pas la poisse! » Only Lovers Left Alive, de Jim Jarmusch, confirme la qualité d’ensemble de la compétition, revisitant le film de vampires à la mode du réalisateur de Ghost Dog, et adoptant un rythme indolent pour porter un regard désenchanté sur le monde. On savoure, au son, entre autres, de BRMC.

SAMEDI 25

Roman Polanski boucle la compétition sur un huis clos théâtral, une Vénus à la fourrure où Emmanuelle Seigner et Mathieu Amalric s’affrontent dans un troublant jeu de séduction et de domination impeccablement mis en scène. La légende s’invite pour sa part sur la Croisette en la personne de Kim Novak, venue présenter la version restaurée de Vertigo. Et l’émotion d’étreindre jusqu’au plus blasé des critiques, dans ce qui restera l’un des plus beaux moments d’une édition qui n’en fut point avare.

DIMANCHE 26

La fête n’est pas encore finie que la Croisette apparaît anormalement calme -dépeuplée, pour ainsi dire. En soirée, le jury présidé par Steven Spielberg délivre un palmarès globalement conforme aux attentes, même s’il ne place pas toujours les heureux élus là où on les attendait. Extinction des feux: Cannes 2013 a vécu, Adèle a la vie devant elle…

J.F. PL.

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