Le Dernier Hiver du Cid

Gendre d’un « beau »-père dont le masque de beauté se figea dans la mort voici tout juste 60 ans, Jérôme Garcin signe avec Le Dernier Hiver du Cid une sorte de tombeau, de monument aux mots, se basant sur des témoignages très fiables, ceux notamment de son épouse Anne-Marie, comédienne et fille de Gérard Philipe, décédé le 25 novembre 1959. Un gisant certes, mais debout, qui, par la magie de l’écrit, fait revivre le comédien dans son humanité: un homme généreux, vrai, naturel, disponible, fidèle, enjoué, sincère, militant communiste… qui jouit à presque 37 ans de la vie avec une candeur encore enfantine. Cet astre solaire, lumineux, va, en quelques mois, s’assombrir, s’éclipser et disparaître dans le trou noir du néant, dévoré par un crabe. Cela, il ne le saura jamais. Car Anne, sa belge épouse, son ange, choisit, en accord avec les médecins, de jouer à son tour cette dernière comédie tragique. En ne lui révélant pas le mal qui le ronge, elle espère ne pas gâcher les quelques temps qui lui restent à vivre. Dans un style romancé et classiquement élégant, Jérôme Garcin ressuscite non seulement Gérard Philipe, mais l’ambiance des années 50, jusque dans la précision châtiée, et d’un autre temps, du langage ( » éphélides« ,  » pythonisse« …). Sous sa plume, Till l’Espiègle, qui adressait des grimaces à la grande faucheuse, grimace à son tour en faisant bonne figure. Cette mise à mort du Cid (rôle marquant de la carrière de l’acteur) est la plus belle des oraisons: elle ne se veut pas funèbre, mais le condensé d’une vie rêvée ou de rêve, un best of d’existence trop brève… mais totalement réussie.

Le Dernier Hiver du Cid
© FRANCESCA MANTOVANI/ÉDITIONS GALLIMARD/LEEMAGE

De Jérôme Garcin, éditions Gallimard, 196 pages.

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