ISAO TAKAHATA ADAPTE LE CONTE DU COUPEUR DE BAMBOUS, RÉCIT INSCRIT DANS L’INCONSCIENT JAPONAIS DONT IL TIRE UN CHEF-D’oeUVRE PORTANT LA GRIFFE GHIBLI.

Le Conte de la princesse Kaguya

D’ISAO TAKAHATA. 2 H 12. DIST: LUMIÈRE.

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L’égal par le talent d’un Hayao Miyazaki, avec qui il fondait le studio Ghibli en 1985, Isao Takahata ne jouit pourtant pas de la même notoriété. La faute, sans doute, à sa trop grande discrétion, ce géant de l’animation nippone, l’auteur de l’insurpassable Tombeau des lucioles, n’ayant tourné qu’avec parcimonie -quinze ans séparent ainsi Mes voisins les Yamada et Le Conte de la princesse Kaguya, ses deux derniers films. Pour ce retour que l’on n’attendait à vrai dire plus, Takahata affichant aujourd’hui 78 printemps, le réalisateur s’est attelé à la transposition d’un récit inscrit dans l’inconscient japonais, Le Conte du coupeur de bambous, dont l’écriture remonterait au IXe siècle. L’histoire débute dans une bambouseraie, lorsque, attiré par une pousse phosphorescente, un coupeur de bambou a la divine surprise d’y découvrir un ravissant bébé. Un cadeau du ciel, pour cet homme et sa femme qui n’ont jamais pu avoir d’enfant, et vont accueillir dans leur modeste foyer celle qui sera bientôt rebaptisée princesse Kaguya, soit « Lumière rayonnante ».

La croissance de la fillette tient du prodige -elle grandit pour ainsi dire à vue d’oeil-, et c’est tout son environnement qui semble d’ailleurs l’objet d’un enchantement. Si bien que le jour où il découvre un bambou chargé d’or, son père adoptif décide d’emmener celle qui est devenue une magnifique jeune fille à la ville, afin de lui donner une éducation de princesse et de lui trouver un bon parti. Mais si les prétendants alignant les titres ronflants, et jusqu’à l’Empereur lui-même, se bousculent à son chevet, Kaguya, pour sa part, les somme de réaliser l’impossible, non sans glisser, insensiblement, dans une insondable mélancolie…

Pour restituer la magie de cette histoire, Takahata a choisi de marier dessin au fusain et aquarelle. Epuré, le résultat est aussi un pur ravissement, le trait réussissant à unir dans un même élan grâce et spontanéité, en un accomplissement esthétique de toute beauté. Soit un écrin idoine pour ce conte qui convoque, sur les traces de son héroïne, une gamme de sentiments variés, l’espièglerie affichée se frottant bientôt, en un mouvement d’une souveraine délicatesse, à un destin inéluctable. Et le film de se faire subtile célébration de l’existence jusque dans ses imperfections, comme en écho à cette profession de foi du réalisateur: « Tous les bienfaits de la vie, le plus petit rayon de soleil, et jusqu’à la plus petite chose, j’y trouve joie et bonheur. » Une proposition qui ne pouvait rêver expression plus lumineuse: d’une richesse inestimable, Le Conte de la princesse Kaguya est de ces films que l’on ne se lasse pas de revoir; en un mot comme en cent, une merveille.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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