Le coeur au combat

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Jan Decleir impressionne toujours en prêtre engagé dans le biopic de 1992, restauré par la Cinematek pour son retour à l’écran.

Daens

De Stijn Coninx. Avec Jan Decleir, Gérard Dersarthe, Antje De Boeck. 2 h 18. Sortie: 16/10.

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Pour son quart de siècle, le film de Stijn Coninx se voit offrir une restauration exemplaire (par l’équipe de la Cinematek), et une ressortie en salles. S’il n’atteint aucun sommet en matière d’imagination narrative ni de créativité formelle, Daens reste un exemple parmi les plus significatifs d’un certain cinéma historique ou littéraire, de facture classique et même souvent académique, dont le cinéma flamand fit longtemps sa spécialité avant que la nouvelle génération (celle de Felix Van Groeningen, de Fien Troch, de Patrice Toye et de Michael R. Roskam, pour ne citer que les plus célèbres) ne prenne le pouvoir avec des oeuvres nettement plus personnelles. Coninx, alors âgé de 35 ans, était connu pour deux comédies avec le populaire Urbanus (Hector en 1987 et Koko Flanel en 1990). Daens fut son premier film biographique, 17 ans avant Soeur Sourire. Un biopic exaltant la figure emblématique de la démocratie chrétienne Adolf Daens, joué avec force et charisme par le grand Jan Decleir.

En soutane au combat

Daens était prêtre, mais c’est son engagement social, puis politique, au crépuscule du XIXe siècle, qui lui valent sa place dans l’Histoire belge. Né dans une famille nombreuse et modeste d’Alost (en 1839), il revient dans cette ville au moment où commence le film. Témoin de la misère ouvrière, du travail des enfants et des salaires honteux accordés par les patrons (francophones…), celui dont la fibre contestatrice dérangeait sa hiérarchie allait se lancer dans le combat politique, avec l’aide de son éditeur et imprimeur de frère, Pieter. Face à des socialistes remuants mais minoritaires, appuyé aussi par des libéraux moins nombreux encore, il dut défier sur le terrain électoral le puissant Parti catholique, très conservateur, emmené par Charles Woeste et répondant charité quand on osait lui parler de justice sociale. Cofondateur du Christene Volkspartij, Daens fut élu et alla prêcher ses idées au Parlement de Bruxelles, avant de connaître des déboires donnant au film une conclusion amère. Filmant un Jan Decleir puissamment investi dans son rôle, Stijn Coninx mêle à la fresque sociale et politique des scènes d’intimité révélant les élans mais aussi les doutes de son héros. Il ajoute aussi, fidèle au roman de Louis Paul Boon qu’il adapte, une histoire d’amour entre une jeune catholique (Antje De Boeck) et un jeune militant « rouge » (Michael Pas).

On relèvera que la nouvelle jeunesse de Daens est rendue possible par l’ambitieux programme de restauration lancé en 2012 par la Cinémathèque royale de Belgique. Un laboratoire numérique, prolongement de celui, analogique, qui faisait déjà référence, y voit un important travail s’effectuer selon trois grands axes: le patrimoine historique belge en images, les chefs-d’oeuvre du cinéma international et -comme ici- les « incontournables » du cinéma belge francophone et néerlandophone.

LOUIS DANVERS

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