Le Chien noir

© claire fasulo

Le roi Cruel mène la vie dure à sa fille. Si Eugénie tente comme elle peut de trouver des échappatoires, son père sévit pour de bon en servant son agenda politique: il lui faut un mari fortuné. Se présente comme prétendant le roi Barbiche qui, s’il ménage l’appât du gain du père comme la sensibilité de la candide jeune fille, cache une nature bien plus retorse. Ce serpent tatoué sur sa gorge ne rassure d’ailleurs pas celle qui est contrainte de devenir son épouse. Une fois franchi le seuil de sa nouvelle demeure, voilà qu’Eugénie mesure l’emprise de violence physique et psychologique dont elle est désormais la proie. Pourra-t-elle compter sur Chasseur, le chien recueilli en chemin? Au-delà d’un simple puzzle de relecture aux motifs choisis (de l’horrible mais zélé serviteur au château opulent mais vicié) du genre du conte gothique, Lucie Baratte tresse ici la matière ancestrale pleine de tabous de Barbe bleue avec celle -davantage ouverte à l’altérité- de La Belle et la Bête. Avec la libération de la parole des femmes en écho puissant, elle propulse le texte dans une contemporanéité, tout en lui en injectant avec malice des anachronismes, du cha-cha-cha au Nain Jaune. Pour cette autrice fascinée par le rock (et Janis Joplin), pétrir le folklore mais y laisser une empreinte au goût du jour est très certainement un geste qui fait sens. Que Lucie Baratte se soit choisi Angela Carter (féministe et divine mixeuse de genres) comme fée-marraine en exergue nous réjouit grandement: celle qui nous offre ici cette fantasmatique aventure en a probablement encore sous la botte de vair.

Le Chien noir

Premier roman De Lucie Baratte, éditions du Typhon, 188 pages.

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