Le Char de nuages

Michel Foucault avait l’habitude de répéter que la vérité, au contraire de ce qu’on croit d’ordinaire, n’est pas quelque chose qui se donne à nous de manière froide, finie, détachée. La vérité, disait-il, est tributaire d’une  » érotique« . Il y a une sensation du vrai -une perception, une saveur, un plaisir, une jouissance même. De cette érotique, la forme la plus subtile et la plus audacieuse à la fois est sans doute l’érudition savante, lorsqu’elle est portée par une langue autant que par le désir d’épuiser un sujet. Aujourd’hui, c’est aux Belles Lettres que cette flamme du goût érudit est entretenue avec le plus de ferveur -Les Belles Lettres et leurs textes anciens établis avec une minutie toute scolastique, leurs traités forgés à l’aune des critères d’excellence du XIXe siècle, leurs essais à la grâce intemporelle. Le Char de nuages en offre un nouvel exemple remarquable. Le sinologue Olivier Boutonnet consacre ce magnifique ouvrage à une figure discrète de l’Histoire du taoïsme, l’ermite Wu Yun qui, à l’époque des Tang (VIIe siècle), avait produit un ensemble de notes et de poèmes cherchant à définir la voie d’une forme inédite de méditation conçue comme un voyage mental. Portant son savoir avec une élégance et une légèreté qui ne trahit jamais le sérieux et la méticulosité, Boutonnet y lit Wu Yun au plus près pour rendre compréhensible l’idée de la  » marche dans le Vide » à la poursuite de laquelle le sage avait voué sa vie. Il en profite pour traduire en français, pour la première fois, de larges extraits de son oeuvre poétique, où résonnent à la fois l’écho d’une époque où la poésie possédait encore un pouvoir, et la fascination d’un homme pour un dehors pouvant s’incarner aussi bien dans une montagne que dans une image née de sa pure imagination. Chaînon manquant dans l’Histoire d’un taoïsme dont seules quelques figures majeures, tels Lao-tseu ou Tchouang-tseu, nous sont encore familières, Wu Yun ouvre un chemin nouveau vers l’immortalité.

Le Char de nuages

D’Olivier Boutonnet, éditions Les Belles Lettres, 324 pages.

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