Le beau mensonge

Les 700 000 cartouches d’Atari VCS exhumées il y a six ans au Nouveau-Mexique (lire Focus du 02/07) prouvent que certaines légendes urbaines du jeu vidéo sont vraies. Quant au mythe de Polybius, il a été monté de toutes pièces. Mais son influence bien réelle sur la pop culture et la créativité gaming ces dix dernières années n’ont pas de commune mesure.

Petit rappel des faits. Allumée en 1998 par la création d’une fiche sur le site de Coin Op Museum, la rumeur de Polybius plane autour d’une borne d’arcade qui rendait fou en 1981. Cette bécane installée dans une salle d’arcade de Portland (Oregon) aurait provoqué ainsi des pertes de mémoire, des crises d’épilepsie et des cauchemars. Des agents de la CIA récoltant régulièrement ses données, la machine se serait évaporée après un mois de tests aux effets addictifs et psychoactifs. Ce récit qui relève de la fable respire bel et bien l’air d’une époque où Tempest hypnotisait des kids se disputant des records mondiaux jusqu’à l’accident (à Portland notamment). Des drogues qui y circulaient aux jeux d’argent illégaux qui s’y déroulaient, les salles d’arcade faisaient en outre l’objet d’une surveillance étroite des fédéraux.

Le beau mensonge

Refaisant surface suite à la sortie médiatique en 2006 de Steven Roach, un de ses prétendus cocréateurs, Polybius n’a en fait jamais existé. Cette légende urbaine vieille de 22 ans n’en apparaît pas moins dans un épisode de la 18e saison des Simpsons en 2006, sur une planche de Batman en 2012, dans le film de Pixar Les Mondes de Ralph la même année, et a même suscité un épisode de la websérie The Angry Video Game Nerd disponible sur YouTube.

Dans la sphère du gaming indé, Dene Carter, qui a échafaudé Fable avec Peter Molyneux, a développé Spellrazor en 2016. Ce jeu de tir se pratiquant avec 27 boutons (!) au clavier serait alors l’adaptation présumée du travail de Duncan Bower, co-créateur fou et fictif de Polybius pour la CIA. Imaginant une suite contemporaine à la maudite borne, Polybius Squared de Sonicrumpets clignotait également, en janvier dernier, comme un remarquable croisement entre Pac-Man et Q*bert. Le projet le plus ambitieux reste à ce jour sans doute Polybius de Llamasoft, solide jeu d’évitement d’obstacles en VR inspiré de Tempest en 2017. Une immersion totale à 120 images par seconde (évoquée dans le clip de Less Than de Nine Inch Nails) prouvant qu’une farce web peut se muer en phénomène culturel transmédia et durable.

Le beau mensonge

Chaque semaine, retour sur les meilleures tranches de l’Histoire bis du jeu vidéo.

Le beau mensonge

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content