Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Pour son 2e album, la jeune femme a tissé une dizaine de chansons folk, austères et lumineuses à la fois. So British…

Du blond décoloré, elle est passée au châtain foncé, presque noir. Parce que Laura Marling cherche toujours sa voie? Ou au contraire, parce qu’elle l’a trouvée? Peut-être tout simplement, parce que sa teinte sombre correspond mieux à la nouvelle gravité de sa musique.

En 2008, l’Anglaise Laura Marling (1990) avait déboulé avec un premier album, Alas, I Cannot Swim, qui avait fait son petit effet. Manquait peut-être juste un poids, une densité, auxquels les 18 ans de son auteur ne pouvait que difficilement prétendre. Deux ans à peine plus tard, I Speak Because I Can semble pourtant avoir déjà réglé le problème. Laura Marling y déroule une dizaine de chansons folk, aux accents austères et âpres étonnants. « Ce n’est pas que je me sente plus mûre ou plus maligne. Mais… C’est bizarre. Je suis musicienne, ce qui est plutôt cool. Mais moi-même, je ne suis pas « cool ». Je suis même quelqu’un d’assez ennuyeux. J’aime être au lit à 23 h. De ce point de vue-là, je me sens souvent en léger décalage avec les gens de mon âge. « 

Et pas seulement avec ceux de sa génération, a-t-on pu comprendre. Notamment en relisant ses premières interviews aux réponses sibyllines. Comme l’indique d’ailleurs le titre de son nouveau disque, Laura Marling « parle parce qu’elle le peut », pas forcément parce qu’elle en a toujours forcément envie… « Je pense que tout le monde vit cela jusqu’à un certain point. Et puis au fil du temps, vous trouvez votre place et votre manière d’être avec les autres. Pendant mon adolescence, j’ai pas mal sur-analysé mes interactions. Ce qui n’est pas une mauvaise affaire pour écrire des chansons. Je continue d’ailleurs de trouver cela fascinant à observer. » Elle le dit avec un demi-sourire, qui vous fait comprendre que la conversation même que vous êtes en train de mener n’échappe pas à son corpus, avant d’ajouter: « Le problème, c’est que cela rend parfois la vie plus compliquée que cela ne devrait… »

Raisons et sentiments

Laura Marling a grandi dans l’Hampshire, dans le sud de l’Angleterre.  » C’est la campagne, de grands espaces, un endroit très vert et… humide » ( rires). Le décor d’un roman de Jane Austen, dont Marling aurait fait une parfaite héroïne, se dit-on. « C’est la première écrivaine que j’ai vraiment aimée. Elle décrit des personnages de femmes toujours très intelligentes mais en même temps complètement construites par l’époque dans laquelle elles vivent. » La féminité, c’est l’un des thèmes principaux du disque, qui va chercher son inspiration jusque dans la mythologie grecque. « J’ai suivi des cours de littérature grecque ancienne. Je voulais savoir d’où venait la majorité de la littérature occidentale. Pour cet album, j’ai lu par exemple l’Iliade et l’Odyssée . Le fait de personnifier des émotions par des dieux, des monstres, c’est très intéressant et malin. Mais plus encore, c’est la manière même de raconter, le langage utilisé, et l’effet que cela peut provoquer qui m’a fasciné. »

Laura Marling peut ainsi raconter des histoires de maris en balade (« I cook the meals and he got the life/Now I’m just old for the rest of my time » sur I Speak Because I Can), parler d’amours frustrées, ou évoquer la maternité (et la culpabilité qui l’accompagne). Le tout asséné avec une assurance assez inouïe, qui tient presque de la distance. Ou comment exprimer ses doutes avec… force. Comme quand on lui demande quelle est au final son ambition… « J’ai un plan dans la vie. Qui inclut de gagner de l’argent. Un peu. Pas beaucoup. Mais assez pour acheter une maison. Une ferme, avec des poules, des moutons. Il y aura un mari, des enfants… Donc oui, je sais ce que je veux. Mais cela n’empêche pas les luttes intérieures permanentes, les doutes et les questionnements… » l

u Laura Marling, I Speak

Because I Can, EMI.

Laurent Hoebrechts

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