La Vie invisible d’Euridice Gusmão

Prix Un certain regard à Cannes en 2019, La Vie invisible d’Euridice Gusmão compte assurément parmi les plus beaux films qu’il ait été donné de voir sur les écrans ces derniers mois. Adaptant le roman de Martha Batalha, le cinéaste brésilien Karim Aïnouz ( Madame Satã) y retrace, dans la luxuriance languide de couleurs granuleuses, le destin contrarié d’Euridice et Guida Gusmão. Soit à Rio, à l’orée des années 50, deux soeurs inséparables âgées de 18 et 20 ans, et rêvant l’une d’une carrière de pianiste en Europe, l’autre du grand amour. Aspirations cadrant mal avec les projets d’un père rigide les destinant à une union intéressée avec quelque parti de son choix. Une perspective à laquelle Guida, l’aînée, se soustrait en disparaissant un soir au bras d’un marin grec, laissant derrière elle Euridice, étouffant bientôt dans un mariage de raison. Et les deux jeunes femmes d’entamer une vie de chassés-croisés, séparées par un vilain tour du destin mais mues par l’espoir d’un jour se retrouver… Soit la matière d’un scintillant mélodrame tropical aux accents sirkiens, récit à deux voix confrontant ses héroïnes -magnifiques Carol Duarte et Julia Stockler- aux vicissitudes de l’existence et aux pressions d’une société patriarcale; unies dans un même combat de l’ombre pour l’émancipation qu’Aïnouz cerne dans une grâce baignée de mélancolie, sa caméra vibrant au diapason des sentiments de ses personnages. Jusqu’à libérer, en quelque crescendo orchestré tout en retenue et sublimé par la partition de Benedikt Schiefer, un torrent d’émotions culminant dans un final tout simplement bouleversant. Un film à (re)voir absolument.

Mélodrame de Karim Aïnouz. Avec Carol Duarte, Julia Stockler, Fernanda Montenegro. 2 h 19. Dist: Remain in Light.

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