La vie de M. Merde

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Acteur fétiche de Leos Carax, Denis Lavant publie son autobiographie, revenant sur un parcours éminemment singulier et les figures qui l’ont marqué.

Denis Lavant est entré dans l’imaginaire cinéphile à la faveur d’un plan de Mauvais sang, de Leos Carax, où il semblait se soustraire aux lois de l’apesanteur le temps d’un travelling exécuté au son du Modern Love de David Bowie. Trente-cinq plus tard, le comédien poursuit, de plateaux de cinéma en scènes de théâtre, un parcours aventureux entamé à l’âge de 17 ans au sein de la troupe des Baladins du Miroir, dont il rebat aujourd’hui les cartes dans Échappées belles, autobiographie en forme de  » précipité de vie artistique » . Carax donc, dont il fut l’acteur fétiche de Boy Meets Girl à Holy Motors, y occupe une place centrale, Lavant observant notamment:  » Je crois que ce qui nous a permis de travailler ensemble aussi longtemps, c’est, encore vivace en chacun de nous, cet univers poétique de l’enfance qui nous mène et que nous protégeons. » Et de revenir à intervalles réguliers sur leur collaboration privilégiée, des aléas des Amants du Pont-Neuf à la création, pour Tokyo, de Monsieur Merde,  » ce personnage (qui) se situe à mi-chemin entre Leos et moi, entre ce que je peux lui inspirer et ce qu’il a envie d’exprimer à travers ma présence« . Non sans saluer au passage  » l’acuité, le génie et l’insolence » de la vision qu’a le cinéaste de notre époque.

La vie de M. Merde

D’autres rencontres émaillent le propos, qui nourrissent l’autoportrait du comédien: Carlo Boso et la commedia dell’arte, Antoine Vitez qui l’engage pour interpréter « L’esprit de la danse » dans L’Orfeo, Bernard Sobel et la création d’un Ubu roi parmi d’autres, Claire Denis pour Beau travail, Louis-Ferdinand Céline qu’il a interprété au théâtre et au cinéma au terme d’une réflexion éthique ( » Faire entendre la voix de ce trublion de Céline, tant dans sa fièvre créatrice que dans sa vindicte grégaire et sa haine anti-tous et contre tout, c’était prendre en compte un témoignage exacerbé de cette époque et révéler l’hypocrisie toujours présente comme la menace toujours latente de la saloperie humaine en train de macérer en chacun de nous« ) , ou Les Enfants du paradis, inspiration  » à tous les niveaux, c’est pour moi une matrice de jeu, de vie, de poésie » . Tentant, en creux, une cartographie de ses rôles, Denis Lavant se livre encore sans détour:  » Si mon parcours artistique paraît hétéroclite, il s’inscrit en moi depuis le commencement: habile, agile, capable de grimper partout, de tomber aussi, parcouru d’une énergie physique explosive et en même temps confiné dans une rétention de la parole, curieux de tout et pourtant étreint d’une incurable perplexité, il m’a toujours semblé être en étrangeté avec mes semblables » . Vertu cardinale pour un comédien funambule: « Qu’il s’agisse de théâtre ou de cinéma, c’est une question de vie et de survie » .

Échappées belles

De Denis Lavant, éditions Les Impressions Nouvelles, 192 pages.

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