La Vérité en ruines

© DAVID AUSSERHOFER / ROBERT BOSCH ACADEMY

En 2011, Eyal Weizman fondait à Goldsmith, le collège le plus radical et le plus créatif de l’Université de Londres, un institut de recherche nouveau: le Forensic Architecture Lab. Depuis, ce qui n’était au départ qu’une simple unité branlante dans une faculté d’art s’est transformé en une véritable machine de guerre théorique et politique. Grâce aux méthodes développées par Weizman et ses (de plus en plus nombreux) acolytes, l’architecture, de discipline visant à construire, est devenue outil de déconstruction -un instrument d’enquête, de pistage, de documentation. C’est l’idée fondamentale de l' »architecture forensique », dont les principes fondamentaux sont expliqués dans ce qui reste à ce jour le maître-livre de Weizman: La Vérité en ruines. Plutôt que se contenter de mettre leurs talents au service de ceux qui font ériger des bâtiments ou fabriquer des maisons, les architectes forensiques s’en servent pour raconter les histoires que les destructions, les attentats, les brutalités, les attaques militaires ont inscrites dans les murs, les sols ou les restes de constructions détruites. Impacts de balles, amoncellements de gravats, traces de carbonisation constituent autant d’indices qui, mesurés à l’aune de la résistance et du rôle de l’architecture, permettent de reconstituer les atrocités dont les ruines forment le monument involontaire. Violemment engagée à gauche, l’architecture forensique est donc l’architecture mise au service d’une entreprise visant à dire ce que les destructions tentent de cacher -comme Weizman lui-même l’avait tenté à propos des bulldozers envoyés par l’armée israélienne en Palestine dans À travers les murs (La Fabrique, 2008). Ce geste, puissant, décidé et reposant sur une maîtrise impressionnante de la cartographie, de la lecture des plans, du commentaire photographique, a bouleversé la pensée contemporaine. Il n’était que temps qu’il soit rendu accessible en français -même si c’est aussi sous une forme parcellaire, presque en ruine.

La Vérité en ruines

D’Eyal Weizman, éditions Zones, traduit de l’anglais par Max Saint-Upéry, 192 pages.

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