La nuit du misothrope

DE GABRIELLE PIQUET, ÉDITIONS ATRABILE, 96 PAGES.

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Dans un quartier populaire d’une grande ville américaine, un phénomène étrange se produit depuis maintenant quatre ans: une personne disparaît dans la nuit de 4 au 5 août. Le récit débute quelques jours auparavant, au moment où l’angoisse commence à être palpable. Josepha, comme beaucoup de monde, se pose des questions et développe des théories au sujet des disparus comme du supposé ravisseur. Le quartier et ses habitants, elle les connaît bien car elle est l’amie des laissés-pour-compte et des solitaires à qui elle rend visite chaque jour. Son côté bon samaritain est contrebalancé par l’attitude misanthrope de son frère jumeau qui vit cloîtré chez elle à l’insu de tous. Il déteste son prochain et voue un culte au mystérieux ravisseur qui le fascine. À tel point que Josepha commence à avoir des doutes sur la véritable identité de son frère…

Gabrielle Piquet développe une oeuvre singulière depuis une dizaine d’années. Avec La Nuit du misothrope, elle passe à la vitesse supérieure, à la fois dans la narration et dans la mise en forme. Tout l’album est un hommage aux illustrateurs anglo-saxons des années 50, 60 et 70. Pour les plus vieux d’entre nous, c’est triple ration de madeleine: il y a du Saul Steinberg, du Jim Flora et du Will Eisner dans son graphisme. Elle emprunte à ce dernier ses scènes de rue avec porches d’entrée encombrés, gamins qui jouent sur le trottoir et étalages d’épiceries de quartier. Elle s’inspire également du maître dans la manière si particulière de développer son récit. Tandis qu’un narrateur anonyme, témoin du drame, nous raconte l’histoire avec moult digressions, analyses et mises en perspective, les personnages s’adressent ici directement au lecteur, ce qui participe à l’originalité du tout. D’une grande maîtrise, proche d’un exercice de style, c’est une très belle fable sur la solitude dans les grandes villes.

C.B.

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