Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

LE FRANÇAIS MARIN LEDUN CONTINUE DE FOUILLER LES ENTRAILLES DU PAYS BASQUE, DÉSORMAIS POST-ETA, MAIS GANGRÉNÉ PAR LA CORRUPTION. AMBITIEUX ET TOUJOURS PAS JOYEUX.

Au fer rouge

DE MARIN LEDUN, ÉDITIONS OMBRES NOIRES, 464 PAGES.

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« Le type était encore en vie quand ils l’enfermèrent dans une valise et le larguèrent en haute mer, au large de la côte basque. » Ainsi commence Au fer rouge, nous mettant tout de suite dans le bain: celui du crime organisé au Pays Basque, qu’il soit espagnol ou français. Un type dans une valise, bientôt échoué sur la plage, dans une intrigue qui se situe quelques mois seulement après le précédent roman déjà très basque de Marin Ledun, L’homme qui a vu l’homme. Le romancier s’emparait alors d’un fait divers très réel -la disparition puis la mort du militant basque Jon Anza, proche de l’ETA- pour réinventer le parcours d’un seul homme entre réseaux criminels et luttes identitaires. Cette fois, Marin Ledun pousse un pas plus loin ses ambitions littéraires, en tentant de brosser le portrait non plus d’un homme mais bien de toute une machine, celle infernale de la corruption généralisée qui semble régner dans ce coin de l’Europe, désormais privé d’ennemi intime depuis que l’ETA a décrété en 2011 « la fin définitive de son action armée« . Reste, selon Ledun, des forces armées plus armées que toutes les autres, des services plus ou moins officiels de police habitués aux coudées franches, et des « ettaras » livrés à eux-mêmes, devenus mercenaires ou clandestins. Sans oublier tous les trafics liés de près ou de loin au terrorisme ou à cette région frontalière: drogue, blanchiment d’argent, jeux d’influences, spéculations immobilières, scandales écologiques… Un énooorme sac de noeuds, idéal pour le développement d’organisations mafieuses et de la corruption avec un grand « C » puisqu’en gros, elle touche ici tout et tout le monde.

Winslow basque

Dans la valise donc, un corps, et une coïncidence peut-être un peu simple pour entamer un roman noir qui en appelle à Don Winslow ou James Ellroy version Underworld USA: le flic de la police judiciaire co-chargé de résoudre ce meurtre est aussi celui qui l’a commis, sous la houlette du grand méchant de service, Javier Cruz, chef de l’anti-terrorisme espagnol, corrompu jusqu’à la moelle… Au milieu de ces mâles tous pourris, une femme et jeune recrue, rescapée des attentats de Madrid et depuis obsédée par l’ETA (même s’ils n’avaient rien à voir avec cet attentat-là), fera avancer l’intrigue, et avec elle le sentiment dépressif des lecteurs: quel espoir de jours meilleurs peut s’échapper d’un tel mille-feuilles d’intérêts, de collusions, de crimes et de pressions? Absolument aucun. Marin Ledun semble être le seul à même de s’offrir un avenir prometteur au sortir de ce Fer rouge. Auteur déjà, à 38 ans, d’une dizaine de romans, dont Les Visages écrasés (en cours d’adaptation avec Isabelle Adjani), Ledun affine sa plume de livre en livre, entre roman noir et social, branché sur les maux de ses contemporains.

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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