DE CHAPLIN À CHARLOT – RÉALISÉS À LA KEYSTONE EN 1914, LES PREMIERS PAS DE CHARLIE CHAPLIN AU CINÉMA LE VOIENT METTRE EN PLACE SON PERSONNAGE DE VAGABOND. UN RÉGAL.

UN COFFRET DE 4 DVD. ARTE EDITIONS. DIST: TWIN PICS. (1) – UN COFFRET DE 5 BLU-RAY. MK2 EDITIONS. DIST: A FILM (2).

C’est là un authentique événement: la réunion, en un coffret de 4 DVD, de la quasi totalité des films tournés par Charlie Chaplin pour les studios Keystone de Mack Sennett en 1914. Soit quelque 35 bandes de métrages divers (ne manque à l’appel que Her Friend the Bandit, perdu), qui consacrent les débuts à l’écran du comédien anglais venu du music-hall, mais aussi les premiers pas de Charlot, le vagabond le plus célèbre de l’histoire du cinéma. Derrière cette entreprise de redécouverte, Lobster Films qui, avec le concours du British Film Institute et de la Cinémathèque de Bologne, a rassemblé le matériel dispersé de par le monde, avant de procéder à sa restauration minutieuse.

Le résultat est inestimable: s’ils sont d’une inégale qualité -le rythme de production ne laissait guère le loisir de soigner l’écriture, en effet, les films rassemblés ici se révèlent, au-delà de leur mécanique récurrente, le plus souvent savoureux, voire même tout simplement hilarants ( 20 Minutes of Love, His New Profession, Dough & Dynamite… ). Ils témoignent aussi de l’évolution du personnage de Charlot, que Chaplin met cette année à profit pour profiler. Il ne lui faut qu’un film pour troquer le haut de forme et la redingote au profit du melon et de vêtements informes qui apparaissent dès Mabel’s Strange Predicament, son second court; mue qu’accompagne bientôt l’esquisse d’une gestuelle appelée à devenir fameuse, du dandinement au tressautement de la moustache.

Une conduite incertaine

Tout au plus si Chaplin semble hésiter sur la conduite à faire adopter par son personnage, objectivement peu fréquentable en de multiples occasions ( Making a Living, Mabel at the Wheel, 20 Minutes of Love, His Favorite Pastime…), quand il ne brouille pas les cartes en faisant du clochard un marquis ( Cruel, Cruel Love), un ivrogne (la beuverie de The Rounders préfigure celle, mémorable, de City Lights) ou encore une épouse acariâtre ( A Busy Day), parmi d’innombrables déclinaisons. Non sans esquisser la figure du petit bonhomme au grand c£ur dans The New Janitor, l’une des plus belles réussites de ce remarquable ensemble. A déguster sans modération, donc, même si le nouvel accompagnement musical composé pour la circonstance se révèle à tout coup plus assommant que les baffes que se distribuent joyeusement les participants à ces « Farce Comedies », quand ils ne s’envoient pas des briques à la figure…

Au sortir de cette période fondatrice à l' »usine du rire », Chaplin jouit d’une immense popularité, dépassant largement les frontières de l’Amérique, tout en ayant le contrôle de ses films. La suite appartient à l’histoire, et le conduira de la Essanay à la Mutual et ensuite la First National, où il tourne d’autres courts métrages qui assoiront sa réputation. Avant, à compter de The Kid, en 1921, d’aligner les chefs-d’£uvre qui l’élèveront au rang de génie du Septième art. Outre celui-là, 4 d’entre eux font aujourd’hui l’objet d’une réédition en Blu-ray: de The Gold Rush à Modern Times, il n’y a là que du bonheur; l’occasion, aussi, de mesurer le chemin parcouru de Making a Living à The Great Dictator.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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