Avec Last Call, l’interactivité s’invite dans les salles de cinéma. Le spectateur agit sur l’histoire et conseille les personnages en pleine séance. Bienvenue dans l’ère du film téléguidé.

Bien au chaud devant notre écran, on s’est tous déjà lamenté sur la bêtise affligeante d’un personnage. Qu’elle se cache comme une imbécile sous son lit pour échapper à un tueur en série. Ou qu’il s’y prenne comme un manche pour séduire la femme de sa vie… On pourra bientôt se venger dès la fin du film. S’en prendre au principal coupable. Non pas en envoyant une lettre parfumée d’anthrax au scénariste mais en prenant à partie celui qui aura mené notre héros à sa perte. Peut-être bien nous d’ailleurs.

Last Call, court métrage d’horreur qui fait un tabac en Allemagne, c’est un peu, beaucoup même, le film dont vous êtes le héros. Sa narration se structure comme un jeu de rôle. Le spectateur, invité à donner son numéro de gsm avant la projection, modèle l’histoire découpée en moments clés. Les lumières s’éteignent. Et alors qu’elle se fait poursuivre par un psychopathe, une jolie blonde en marcel, qu’on ne peut laisser sans remords se faire découper à la tronçonneuse, passe des coups de fil en quête de conseils. Un téléphone sonne mais pour une fois, ça ne sert à rien de faire les gros yeux à l’impoli qui n’a pas éteint son portable. Grâce à un logiciel de reconnaissance vocale, il va répondre au personnage et modifier le cours de l’intrigue.

La fille, de plus en plus mal barrée, ne se contente pas de demander si elle doit prendre à droite ou à gauche. Monter ou descendre. Elle veut aussi savoir si elle doit aider une victime emballée vivante dans du cellophane. La réponse est retranscrite en commande qui déclenche l’envoi de la séquence correspondante. Jung Von Matt, le réalisateur, a imaginé une vingtaine de scénarios possibles pour offrir un maximum de variantes.

Ma Télé Interactive

Si Last Call, conceptualisé par 13th street, chaîne de télé allemande du groupe NBC dédiée au thriller, à l’horreur et au crime, est présenté ces derniers temps comme le premier film d’horreur interactif, le cinéma téléguidé vit déjà sur Internet depuis plus de 10 ans. Imaginée en 1997, Ma Télé Interactive est par exemple une série de fictions à choix multiples mettant à profit les nouveaux modes de diffusion numérique.

Toujours est-il qu’après la 3D, l’odorama et les fauteuils qui secouent dans les salles des parcs d’attraction, il semblerait qu’on ait franchi une nouvelle étape dans l’immersion et l’implication du spectateur de salles obs- cures. Au point qu’on se demande où s’arrêtera le « progrès ». Peut-être bien que d’ici quelques années, ce seront nos têtes qu’on utilisera dans les films d’animation et nos paroles qui remplaceront les dialogues. Peut-être aussi qu’on pourra entrer directement dans les films comme les personnages de Reese Witherspoon et Tobey Maguire dans Pleasantville.

Une bénédiction pour repeupler les complexes? Peut-être. Mais comme disait ce fameux proverbe japonais:  » Les ignares se délectent du faux clinquant et de la nouveauté. Les gens cultivés trouvent leur plaisir dans l’ordinaire.  » l

de Julien Broquet

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