La Mélodie

Dans une station balnéaire aux dehors lisses et aux habitants,  » chaussés de daim« , qui le semblent tout autant, Alfred Busi incarne la parfaite figure de célébrité locale, un peu désuète. Chanteur de charme, mari amoureusement éperdu d’Alicia mais désormais veuf inconsolable, il est cet homme qu’on salue avec une pointe d’admiration. On s’apprête même à inaugurer sa statue en grande pompe quand notre homme est victime d’une agression. Une créature nue  » à l’odeur de pomme de terre » pénètre chez lui et lui mord la main avant de s’enfuir. Il n’en faut guère plus pour que le fantôme de l’insécurité vienne crotter le paillasson de la ville et que chacun tombe le masque. Du journaliste Sobriquet en mal de scoop au neveu aux dents longues en plein projet de gentrification, tous veulent régler la situation avec force. Quant à Mister Al, il se souvient des expéditions qu’il faisait enfant en lisière de forêt, et de ces créatures, tout sauf animales, dont on lui racontait qu’elles venaient dévorer ses offrandes. Dans cette fable humaniste et écologiste, l’Anglais Jim Crace nous confronte avec lucidité et non sans drôlerie à la brûlante question de l’altérité. Qui, des laissés-pour-compte du Jardin des Indigents ou de ceux qui tiennent à leur pré carré, sont vraiment les sauvages?

De Jim Crace, éditions Rivages, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Laetitia Devaux, 300 pages.

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