Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

De la question de l’accumulation à celle de l’être ensemble, la quinzième édition du Kunstenfestivaldesarts prend une nouvelle fois la mesure de notre époque.

Voix douce et visage détendu, Christophe Slagmuylder ne laisse rien paraître de l’effervescence qui s’est emparé du bureau du Kunstenfestivaldesarts depuis quelques jours. Le directeur de l’événement avoue avoir eu cette fois les yeux plus gros que le ventre:  » 21 premières, c’est lourd à porter, ne serait-ce qu’en termes de technique et de logistique. » Peut-être doit-il ce calme intérieur au coup d’£il jeté sur les chiffres de vente des billets d’entrée?  » Même si nous n’avons pas autant de grosses pointures que l’année passée, façon Romeo Castellucci ou William Forsythe, nous sommes bien partis pour atteindre l’objectif des 25 000 places que nous nous sommes fixés pour la seconde année consécutive. »

En 15 années d’existence, le « Kunsten » -comme on dit pour faire court- s’est taillé une réputation internationale. Même si l’on est en Belgique, cette aura, le festival bilingue se l’est forgée sans donner dans le compromis. La programmation n’est jamais mièvre et elle ne s’effraie pas des créations controversées.  » Souvent les organisateurs du festival d’Avignon nous laissent essuyer les plâtres des spectacles trop subversifs, si ça passe à Bruxelles, ils les inscrivent l’année d’après à leur affiche. » Mais ce qui reste le plus fascinant avec la programmation du Kunsten, c’est sa propension à livrer une sorte d’état du monde d’une troublante acuité. Sans qu’un quelconque thème ne subsume la grande variété des £uvres présentées, des lignes de force se dégagent chaque année. Celles-ci en disent long sur la société dans laquelle nous nous trouvons.

 » Cette année, explique Christophe Slagmuylder, la rue et l’enracinement local sont au premier plan du festival.  » Aïe, est-ce à dire qu’il faut craindre un Kunsten « proximiteux »? Certainement pas. La rue est envisagée ici comme une métaphore, une incarnation particulière de l’être au monde. Pour clarifier le propos, Christophe Slagmuylder joint le geste à la parole en pointant le boulevard d’Ypres, artère sur laquelle donnent les lumineuses baies vitrées de son bureau.  » Beaucoup de choses sont inscrites dans les rues. Le Boulevard d’Ypres, par exemple, est l’endroit où se tenait l’ancien marché matinal de Bruxelles. Quelques grossistes témoignent de cette ancienne affectation. Aujourd’hui, ils sont chassés par des projets de lofts liés à de nouveaux plans d’aménagement. La gentryfication n’est pas un phénomène nouveau mais il prend tout son sens dans cette rue qui est également celle des sans-papiers qui y sont quotidiennement embauchés pour du travail au noir. Tout cela pour montrer que les questions plus vastes comme celles des flux migratoires et d’un monde déséquilibré se trouvent à proprement parler au coin de la rue. Cette problématique traversera entre autres les créations de la Belge Sarah Vanagt mais aussi du collectif italien ZimmerFrei et, plus loin, de la Brésilienne Lia Rodrigues. Autant de démarches qui, en plus de traiter de la rue, se feront avec et en elle. »

Kunstenfestivaldesarts Du 7 au 29 mai. À Bruxelles.

www.kfda.be

On notera que le soir de l’ouverture du festival, soit le 7 mai, Bonom, le graffeur bruxellois, réalisera en live une fresque juste en face du KVS, dans la rue de Laeken.

Michel Verlinden

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