TALK-SHOWS, JOURNAUX ET JEUX TÉLÉVISÉS SE BATTENT AU QUOTIDIEN POUR LES TÉLÉSPECTATEURS QUI RENTRENT DU BOULOT. TANDIS QUE LE GRAND JOURNAL FAIT PEAU NEUVE, ZOOM SUR L’AVANT-SOIRÉE À LA TÉLÉ…

Tous les jours de la semaine, aux alentours de 19 heures, tandis qu’en Belgique, la RTBF et RTL se livrent la bataille de l’info, Canal +, D8 et France 5 fightent sur le terrain du talk-show. En perte de vitesse ces dernières années, le Grand Journal de Canal, diffusé chez nous sur Be1, n’a pas eu droit qu’à un petit lifting en cette rentrée 2013: il a fait l’objet d’un considérable ravalement de façade. Une rénovation décevante. Pas révolutionnaire, impertinente ni même très originale. Avec un nouveau chef d’orchestre, Antoine de Caunes, le cul coincé entre deux chaises, entre l’humour qui caractérisait le chroniqueur trublion d’hier et le sérieux que doit imposer, a fortiori quand il parle politique et société, le présentateur d’aujourd’hui.

On laissera à l’ancien comparse de Philippe Gildas l’occasion de trouver ses repères et son rythme. Des transformations de toutes manières s’imposaient. « La formule est en train de s’épuiser. Cherche à se renouveler en permanence, analysait fin mai son ex-chroniqueur littéraire Olivier Pourriol alors qu’il assurait la promotion d’On/Off, bouquin taillant un fameux costard à l’émission de Denisot. On est au delta. En pleine transformation. Avec des hésitations identitaires, des questionnements sur ce qu’il faut continuer à faire ou pas. Les producteurs cherchent. Et le temps d’adaptation est de plus en plus réduit parce qu’ils sont conscients de leurs limites. Ils doivent trouver comment survivre le plus longtemps possible. C’est un truc d’adaptation. Du Darwinisme à la micro-seconde. A l’échelle d’une saison. »

Comme ses homologues, l’équipe du Grand Journal tente d’attirer sur son plateau des animateurs, des chroniqueurs, des invités qui flottent dans l’air du temps. « Si l’époque change, l’émission est amenée à muter elle aussi. Le danger, c’est le risque de perdre sa place. Un programme qui se présente comme statutaire, et gagne énormément d’argent parce que sa position dominante lui permet d’attirer des annonceurs, a toujours du mal à se transformer. Quand il y a beaucoup de fric à gagner, il y en a aussi forcément un sacré paquet à perdre. »

« C’est une loi universelle. Modifier un programme signifie en bouleverser l’audience, commente Bernard Cools, directeur général adjoint de l’agence Média Space. Mais si l’effet sur les habitués est immédiat, la conquête de nouveaux fidèles prend plus de temps. Intervient alors le sang-froid du management. » D’autant plus titillé que la concurrence est impitoyable. Et souvent interne. « Le Grand et le Petit Journal sont comme des émirs qui se disputeraient un puits de pétrole, raconte Pourriol. Puis, en face, vous avez l’émission Touche pas à mon Poste sur D8 de Cyril Hanouna qui commence à prendre le dessus. Alors que D8 est une chaîne du groupe Canal. » Duel auquel vient se mêler C à vous sur France 5, aux commandes duquel Anne-Sophie Lapix vient de remplacer Alessandra Sublet. 4,5 % de part d’audience en avril dernier.

Escalier pour le prime time

« Cette tranche représente un enjeu important, explique Bernard Cools, parce qu’elle est l’escalier jusqu’à la grande fenêtre du prime time. Il y a la question noble de toucher un public fidèle et forcément l’enjeu du tarif publicitaire. Mais nous ne jouons pas dans la même pièce que les Français. » Une question de marché mais aussi de décalage horaire… « Le sommet des marches, c’est le journal télévisé, à 20h en France où on a choisi l’affrontement direct. Et entre 19h et 20h en Belgique. Le Grand Journal ne constitue pas une menace chez nous. Parce que les chaînes belges tirent à la même heure leurs grosses cartouches que sont les JT. C’est à ce moment-là que les audiences des chaînes françaises sont les moins importantes chez nous. »

Avec 1,9 million de téléspectateurs et 10,9 % de parts de marché en France (du moins pour sa première partie), le Grand Journal new look, qui a repris une semaine avant la concurrence, a réalisé un joli score à l’occasion de son coup d’envoi le 26 août.

De Caunes y a, davantage que Denisot, laissé à ses invités la possibilité de s’exprimer, mais le contenu n’a guère vraiment évolué. « L’invité représente le combustible de ce genre d’émission, reprend Pourriol. C’est comme quelqu’un qui possède une voiture et a besoin d’essence. Il respecte l’essence mais ce n’est pas ce qui l’intéresse vraiment. Les invités, nous en avons besoin. Ils sont flattés mais en même temps, on dispose d’eux comme d’un carburant. Même si vous êtes une star comme Orlando Blum… » Qui, de toute façon, est bien heureux d’y assurer sa promo. « Le spectateur voit passer quelqu’un qui aurait mérité de parler et reste confiné dans ce qu’on appelle l’émission d’humeur. Mais s’il faut regarder quelque chose du coin de l’oeil, avoir un papier peint sympa, une Angelina Jolie, c’est j’imagine plutôt pas mal. »

Sur La Une, pas de star, de 18 h 30 à 19 h 20, On n’est pas des pigeons se la joue informatif, léger et facile à consommer… « D’autres garnissent ces cases avec des jeux, termine Cools. Le téléspectateur préfère ne pas déprimer. Ou ne pas déprimer trop longtemps. Le talk-show à la française n’a jamais occupé cette tranche horaire en Belgique. Et il m’étonnerait beaucoup que ça arrive dans l’économie étriquée de nos chaînes. Nous ne faisons pas du lourd et du coûteux à cette heure. L’idée est plutôt de drainer de l’audience avec des coûts de production limités. Il y a une équation économique à respecter. »

TEXTE Julien Broquet

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