Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

L’APOCALYPSE, UNE FOIS – UNE IMAGERIE SUBLIME, UN PROPOS LOURDEMENT APPUYÉ. À BOIRE ET À MANGER POUR UN FILM CATASTROPHE BELGE ET BEAU MAIS PAR TROP SIMPLISTE.

DE PETER BROSENS ET JESSICA WOODWORTH. AVEC SAM LOUWYCK, PETER VAN DEN BEGIN, AURÉLIA POIRIER. 1 H 33. SORTIE: 23/01.

Peter Brosens et Jessica Woodworth vivent aujourd’hui dans ce Condroz où ils ont filmé leur nouvel et impressionnant opus, La Cinquième saison. Le natif de Louvain et l’Américaine d’origine avaient pris l’habitude de nous emmener à la découverte du monde, de la Mongolie de l’admirable Khadak au Pérou de l’énigmatique Altiplano. S’ils ont cette fois trouvé leur cadre à domicile ou presque, ce n’est pas pour aller moins loin, artistiquement parlant. Car si l’action de leur film, révélé en compétition au dernier Festival de Venise, se déroule en Belgique, c’est bien de l’état -alarmant- du monde que le duo de cinéastes veut nous entretenir. Avec pour figure choisie celle de la fable, de la parabole inquiète. Tout commence avec un phénomène étrange. L’hiver s’achève mais le printemps ne semble pas devoir lui succéder de bonne guerre. Comme si la nature s’était interrompue, mise en grève, refusant de renaître comme le cycle des saisons le veut et l’assure depuis l’aube de l’humanité. On ne voit plus d’abeille, le coq ne chante plus, les poules ne pondent plus d’oeufs, les vaches ne donnent plus de lait. Et de la terre ne pousse plus rien…

Soleil mort

Aucune explication directe n’est donnée à ce qui semble annoncer tout à la fois la faim et la fin. Une double issue tragique à laquelle aucun rituel ne paraît pouvoir porter remède. A partir de cette idée d’un printemps qui ne reviendrait plus, d’un cycle de vie brisé, figé, Brosens et Woodworth nous proposent un film tout à la fois symbolique, allégorique, politique et poétique, nourri des angoisses de son temps et sonnant le tocsin d’une alarme désormais urgente. Les moyens créatifs mis en oeuvre sont remarquables, le tandem convoquant des images plus singulières, angoissantes et paradoxalement belles les unes que les autres. Les séquences inaugurales de La Cinquième saison fascinent autant qu’elles impressionnent. On pense au meilleur des films précédents du tandem, mais aussi au cinéma de Tarkovski, à celui d’Angelopoulos, voire -pour une image en particulier- à André Delvaux. A mesure que se multiplient les signes, dans un cadre toujours aussi superbement maîtrisé, l’intérêt se met pourtant à vaciller, puis à faiblir. Le processus d’évidence formelle s’accompagnant d’un mécanisme de répétition, d’un discours progressivement vidé de toute complexité pour verser dans un simplisme alarmiste dépourvu d’intérêt profond. Dans l’album d’Hergé L’Etoile mystérieuse, on voit un vieillard à barbe et toge blanche annoncer la fin des temps en rythmant ses incantations de coups frappés sur un gong. Brosens et Woodworth manient le gong avec art. Mais leur litanie n’en devient pas moins vite pesante et monotone.

LOUIS DANVERS

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