Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

PLUS DE 100 TITRES ENREGISTRÉS ARTISANALEMENT VERS 1967 PAR DYLAN ET THE BAND RESSORTENT EN INTÉGRALE ET COFFRET PRÉCIEUX.

Bob Dylan And The Band

Coffret « The Bootleg Series Vol. 11 The Basement Tapes Complete »

DISTRIBUÉ PAR SONY MUSIC.

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Sur les belles photos d’Elliott Landy, on voit Dylan qui sort les poubelles, à la boulangerie du coin, clope au bec travaillant le piano chez lui, ou en slaches de plage triturant une acoustique dans son jardin feuillu. On est en 1967-1969 et Landy profite de l’occasion, la seule fois sans doute où le Joker acceptera d’être ainsi photographié dans son humus personnel. Cette iconographie incluse dans les deux beaux livrets de ce box hypra soigné participe aussi à la généalogie mythique des Basement Tapes. On connaît l’histoire: à la mi-sixties, fatigué de New York City et d’être le porte-parole supposé de la jeunesse américaine, Dylan décampe avec femme et enfants vers la tranquillité boisée des environs de Woodstock, à deux heures de bagnole de Manhattan. Son groupe, The Hawks -rebaptisé The Band-, qui a accompagné sa reconversion électrique, s’installe dans le coin et, dès le printemps 1967, commence à enregistrer en sa compagnie. Bouclant, au fil des semaines dans des conditions rudimentaires de caves ou garages locaux, un vaste répertoire qui embrasse de multiples reprises folk-blues, traditionnels perdus ou titres de Johnny Cash, Hank Williams, Curtis Mayfield et John Lee Hooker.

Il était une fois l’Americana

Dylan part en maraudage, déterre des vieilleries avec la complicité gourmande de The Band, Robbie Robertson, Rick Danko, Richard Manuel, Garth Hudson et Levon Helm. Le son est le plus souvent laid back, graisseux, relax, familial, mais la densité des compositions et leur façon intime de faire bouillir la marmite produisent des effets secondaires intéressants. A plusieurs moments, Dylan se marre -littéralement- et quand il reprend Cash (Big River, Belshazzar, Folsom Prison Blues), sa boulimie s’affiche contagieuse. Lui qui ne semble alors plus rien vouloir inventer, se prophétisant plutôt en archiviste majeur, met au point une recette exploitée bien plus tard sous le label Americana. Il a beau prétendre au pré-retraité en virée musicale communautaire, Dylan est, de fait, extraordinairement prolifique. Sur les 138 titres du box -une paire d’entre eux sont des variations de la même chanson-, pas moins de 89 sont signés Dylan, parfois avec l’intervention de Danko ou Manuel. Etourdissant travail d’écriture initialement destiné à autrui puisque Dylan fait bientôt circuler -via son éditeur- quatorze de ses morceaux, suscitant de nombreuses reprises, dont celle de The Mighty Quinn par Manfred Mann, numéro un anglais en février 1968. Surplus indicatif de la fièvre dylanienne en dépit de la réclusion: Great White Wonder, à l’été 1969, premier disque pirate de l’Histoire, popularise certains (futurs) classiques bien avant leur sortie officielle, comme le sublime I Shall Be Released. Ce coffret est aussi une aventure.

PHILIPPE CORNET

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