Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

L.A. NOIRE – LA 1RE TRADUCTION DE MATTHEW STOKOE SERA VENDUE SOUS BLISTER: LES ÂMES SENSIBLES NE POURRONT EN SUPPORTER LA LECTURE. UN GRAND AUTEUR S’Y CACHE POURTANT.

DE MATTHEW STOKOE, ÉDITIONS SÉRIE NOIRE GALLIMARD, TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR ANTOINE CHAINAS, 450 PAGES.

Jack vivote avec sa femme Karen à Malibu, aux abords de L.A. Pas de boulot, beaucoup de drogue et encore plus de télé gavée de Tom, Brad, Arnold et Bruce:  » Je savais que les films constituaient des fenêtres ouvertes sur la réalité. Pas une vision déformée mais un aperçu d’une vie meilleure. » Or Karen, pute défoncée, est assassinée.  » Morte. Quelqu’un l’a éventrée, lui a sorti les tripes et éjaculé dans le trou. » Alors Jack, juste pour s’occuper – » c’était sans importance. Une raison d’entrer dans un monde où les conventions habituelles ne s’appliquaient pas »- va chercher, vaguement, le meurtrier. Et plonger dans ce que son éditeur nomme  » le tréfonds du côté sombre de l’industrie télévisuelle et cinématographique à Hollywood« , ou ce que son traducteur, le romancier Antoine Chainas, désigne, lui, comme  » un opus épidermique, allergique au mainstream » ou « une para-littérature réactive« : une plongée effarante dans les pires vices dont sont capables les hommes. Et rien, même l’inimaginable, ne sera épargné à celui qui déchirera le blister: meurtres, incestes, tortures, fornications perverses… N’essayez pas de lire La belle vie dans le métro, en tout cas pas toutes pages ouvertes: votre voisin de rame vous regarderait d’un air étrange, après avoir aperçu quelques lignes parlant de viol au marteau-piqueur ou de couples qui se défèquent dans la bouche… On aurait tort, pourtant, de limiter ce roman noir aux horreurs qu’il décrit: loin du sadisme gratuit et sans talent qui pullule ailleurs, l’Anglais Matthew Stokoe, qui se dit  » révulsé par les auteurs qui escamotent la réalité, qui arrondissent les angles« , vise le malaise. Et l’atteint en plein c£ur – » Peu de personnes peuvent se vanter d’avoir baisé un cadavre, mais je suis sûr que beaucoup y pensent. »

Digne de Noé ou de Selby

On l’aura compris -et on n’a pas décrit le pire: La belle vie n’est pas pour tous. Elle impressionne pourtant par sa vista -l’auteur est un grand écrivain, mais la patte d’Antoine Chainas, figure phare de la Série Noire, est omniprésente- et par le vertige qu’elle distille et surtout installe, bien après la lecture. Au jeu des comparaisons, on citera facilement Bret Easton Ellis ou Chuck Palahniuk, pour le goût du morbide ou de la critique sans fard de notre société de consommation: l’effroi naît ici de la mise en parallèle, de plus en plus insupportable pour le lecteur et le « héros », de sa réalité et des infos people. On préfèrera y voir un auteur digne d’un Hubert Selby Jr. ou d’un Bruce Benderson, voire d’un Gaspar Noé au cinéma. On ressort de la lecture de La belle vie comme de la vision d’ Irréversible: lessivé, sali et marqué. Peu sont capables de provoquer de tels sentiments. On ne sait rien de Matthew Stokoe, si ce n’est qu’il a fallu 10 ans pour qu’un éditeur ose une 1re traduction française d’un de ses romans, que son 1er opus Cows est culte et, paraît-il, encore pire. Et que son 3e, Empty Mile, vient de sortir en V.O.. On avoue, comme un péché, en attendre les traductions. Même sous blister. l

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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