DES AMANTS RÉGULIERS AUX CHANSONS D’AMOUR EN PASSANT PAR LES DERNIERS JOURS DU MONDE, CLOTILDE HESME N’EN FINIT PLUS D’ILLUMINER LE CINÉMA FRANÇAIS. ANGÈLE ET TONY, D’ALIX DELAPORTE, LUI OFFRE ENFIN UN PREMIER RÔLE…

L’air de rien, voilà un petit moment déjà que Clotilde Hesme -prononcez aime- illumine le cinéma français de sa présence. Des Amants réguliers de Garrel au Derniers jours du monde des frères Larrieu, il y a l’esquisse d’un sans-faute, qui l’a conduite également du côté de chez Eric Guirado ( Le Fils de l’épicier) ou de Christophe Honoré, pour qui elle fut des Chansons d’amour comme de La Belle Personne. Un bonheur venant rarement seul, l’actrice se retrouve, ces jours-ci, à l’affiche de 2 films: Les Mystères de Lisbonne de Raoul Ruiz (que l’on découvrira sur nos écrans à partir du 16) et Angèle et Tony d’Alix Delaporte ( critique en page 31), qui lui vaut enfin un premier rôle.

Soit Angèle, dont le prénom aux accents pagnolesques dissimule une jeune femme fraîchement sortie de prison, et débarquant, sans crier gare, dans un petit port de Normandie en même temps que dans la vie de Tony (Grégory Gadebois), un marin pêcheur taciturne. Et un film qui consacre les retrouvailles de l’actrice avec une cinéaste dont elle avait déjà partagé l’aventure d’un court métrage, Comment on freine dans une descente, ci-devant couronné à Venise en 2006. « Avec Alix, on s’était dit qu’on se retrouverait parce qu’on avait beaucoup aimé travailler ensemble, mais pas forcément pour son premier long métrage », commence-t-elle, alors qu’on la rencontre, chaleureuse, dans un hôtel bruxellois. S’agissant d’Angèle, la réalisatrice s’oriente en effet dans un premier temps vers des actrices plus conformes à l’idée que l’on peut se faire d’une fille sortant de prison, dans un souci de réalisme qui écarte, a priori, Clotilde Hesme: « J’étais trop, se remémore-t-elle, avec un pétillement dans le regard. Trop jolie, puis trop comme ça, et enfin trop expérimentée. » Jusqu’au moment où Alix Delaporte se ravise, pour lui confier un personnage dont elle a, entre-temps, décidé de faire aussi une héroïne. « Ce qui me parlait, c’est sa dignité, poursuit-elle. Dans ce film, plus que des personnages, ce sont vraiment des gens qui luttent pour leur vie, pour leur travail, et qui sont debout et dignes, ce ne sont pas des victimes. » Une façon, aussi, d’ancrer le romanesque dans un terrain fécond, le refus du naturalisme forcé n’excluant pas la conscience sociale diffuse, exprimée au détour de la relation qui se construit à l’écran entre Angèle et Tony.

Populaire, ce n’est pas un gros mot….

Sur ces bases, le film d’Alix Delaporte compose une mélodie classique et insolite à la fois. On ne peut s’empêcher, à l’aune de la filmographie de Miss Hesme, d’y voir le reflet d’une volonté, toujours réaffirmée, de s’écarter des sentiers battus: « J’ai attiré ce genre de propositions au début, parce que des gens ont apprécié le travail que j’avais fait avec Garrel, approuve-t-elle . Forcément, cela induit des choses, cela donne envie à un certain type de cinéma et à un certain type de cinéastes. Ensuite, j’ai continué dans cette veine-là, parce que ça me plaisait, et que je fonctionne au désir. J’ai eu beaucoup de chance, jusqu’à maintenant, de faire ce métier comme j’avais envie de le faire. Sans beaucoup de compromis, et même sans aucun. » Constat qu’elle ponctue d’un rire lumineux, avant d’expliquer être sensible, avant tout, à une vision du cinéma: « Je vais moins sur les projets pour les rôles que pour les gens, je vais plus sur des réalisateurs que sur des personnages. Quand Raoul Ruiz me sollicite pour Les Mystères de Lisbonne, j’y vais tout de suite, parce que c’est Raoul Ruiz et non parce que je vais jouer une duchesse, chose que je n’avais jamais faite auparavant. « 

Evoque-t-on dans la foulée l’appartenance à une famille de cinéma, qu’elle lui préfère le mot de tribu. Quant à un lien qui unirait ses différents films? « Pour l’instant, on fait le lien, parce que c’est du cinéma d’auteur qui n’a pas rencontré un large public, donc forcément. Mais mon ambition est aussi de continuer à faire des choses exigeantes mais populaires, ce n’est pas un gros mot…  » A cet égard, et sans tirer de plans sur la comète (pas vraiment le genre de la maison, elle qui déclare encore: « Je n’ai pas de stratégie, ma seule ambition, c’est de faire des choses qui me plaisent, et c’est déjà pas mal… « ), Angèle et Tony pourrait représenter un cap. « Je suis à un endroit où je commence un peu à réussir à faire les deux, et donc à toucher des gens. Je ne me suis jamais dit que j’allais faire des choses super dans mon coin, et que personne ne verrait »; et de partir d’un grand rire derechef, en un élan spontané qu’elle ne cherche surtout pas à réfréner.

Le cinéma aide à vivre

Le cinéma, elle en a contracté le virus à 17 ans, lorsqu’elle est arrivée à Paris, en provenance de sa campagne, découvrant Pialat et Truffaut, notamment. Une révélation, pour l’étudiante qui avait grandi du côté de Troyes, « pas forcément dans un bain de culture », précise-t-elle, en écho à une question sur la vocation artistique des s£urs Hesme, actrice comme elle pour l’une, écrivain pour l’autre. « Je ne sais pas d’où cela nous est venu, quelque chose nous a contaminées mutuellement, le goût de jouer nous a toujours habitées. Il y avait cette intuition forte, même si, à la maison, on regardait plutôt des films comme Back to the Future, Princess Bride ou Risky Business.  »

Depuis, Clotilde Hesme a revu ses classiques: « Le cinéma m’a ouvert beaucoup de portes. Ce n’est pas anodin, quand on découvre les films de Cassavetes et qu’on a envie de faire du théâtre. Ce n’est pas anodin, quand on découvre les films de Ken Loach, avec leur dimension sociale forte, et qu’ils vous ouvrent les yeux sur le monde et sur les êtres. Le cinéma, comme tous les arts, aide à vivre. «  Ce qui, pour elle, passe également par les planches, ses nombreux projets cinématographiques ne l’ayant pas détournée de ses premières amours théâtrales. « Philippe Garrel m’a dit une chose que je n’oublierai jamais: « Le théâtre, c’est la force de ta volonté, il faudra que tu le privilégies, parce que c’est là que réside aussi ton autonomie, et la force de ton désir.  » Et c’est vrai, parce que le cinéma, on ne le choisit pas. On peut choisir le théâtre, mais le cinéma vous choisit, sans que l’on sache pourquoi. Et il repart, sans que l’on sache pourquoi non plus. Le cinéma, il vient vers moi, tant mieux, mais le théâtre, j’irai vers lui… »

RENCONTRE JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content