L’Odyssée de Toulmé

Hakim et son fils ont mis près de deux ans pour atteindre la France après avoir fui la Syrie. Fabien Toulmé a pris le même temps pour raconter leur histoire.

Comment comprendre et surtout ressentir l’épreuve que traversent en même temps que la Méditerranée des millions de réfugiés pour tenter de venir survivre en Europe? On peut multiplier les reportages, enchaîner de longs articles d’analyse et se perdre dans une valse de chiffres sans grande empathie. Ou choisir de se plonger plus simplement dans l’expérience d’Hakim, parti en 2016 de Syrie en compagnie de son fils de même pas deux ans pour tenter de rejoindre la France. Une Odyssée qui lui aura demandé près de deux ans de voyage, de débrouille et d’angoisses. Fabien Toulmé, lui, aura eu besoin de plus de 750 pages pour en faire une bande dessinée qui raconte dans le moindre détail et par l’exemple la réalité de l’exil et de l’exode -et cette fois avec une telle empathie qu’il faudrait vraiment être, au sortir de cette trilogie, un putain de salopard pour ne pas être ému par le sort de ces pères, mères et enfants qui n’ont pas choisi leur vie.

L'Odyssée de Toulmé

Récit sans cynisme

Cette fois donc, Hakim et le petit Hadi entament ce qu’ils espèrent être la dernière ligne droite de leur impitoyable périple: après voir survécu à leur traversée en canot pneumatique, les voilà en Macédoine, et bientôt en Serbie, puis en Hongrie, en Autriche, en Suisse… Sur leur chemin, une litanie de dangers, de pièges administratifs, de haine, de rejet,  » et encore et toujours le business de la détresse« . Mais aussi, quelques bonnes âmes, même chez les flics, pour leur et nous redonner un peu d’espoir dans cette humanité qui semble les piétiner. Celle de Fabien Toulmé est d’évidence de celle-là, lui qui a longuement rencontré Hakim et sa famille pour retranscrire leur périple avec justesse, mais aussi avec une émotion qui surprend à chaque page, tant son dessin presque naïf et simple est capable de toucher. Ce fut déjà le cas avec Ce n’est pas toi que j’attendais, la bouleversante autofiction écrite avec et pour Yannick Lejeune, son éditeur, et qui racontait la naissance de sa fille trisomique. Fabien Toulmé a ce don de raconter sans le moindre cynisme, rendant cette Odyssée d’Hakim tout simplement indispensable à tout qui voudrait aborder le sujet des réfugiés. Pour l’avoir constaté de visu, cette Odyssée marquera les esprits, jeunes et moins jeunes, plus que tous les reportages, articles ou chiffres. D’utilité publique, en plus d’être une « vraie » bande dessinée, haletante et très habilement narrée.

L’Odyssée d’Hakim (3/3) – De la Macédoine à la France

De Fabien Toulmé, éditions Delcourt, 256 pages.

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