L’odyssée d’Ang Lee

Nathalie Bittinger retrace le parcours du cinéaste taïwanais, ayant su conquérir Hollywood en conciliant cinéma mainstream et film d’auteur.

Auteur de films aussi marquants que Sense and Sensibility, Brokeback Mountain, Lust, Caution ou Life of Pi, et comptant, à ce titre, parmi les cinéastes majeurs de ces 30 dernières années, Ang Lee n’avait curieusement jamais fait l’objet d’un ouvrage de référence en français. Un vide que vient aujourd’hui combler cet essai de Nathalie Bittinger, maître de conférence à l’université de Strasbourg et spécialiste du cinéma asiatique, ayant notamment dirigé un Dictionnaire des cinémas chinois et consacré une étude au 2046 de Wong Kar-wai.

Le cinéaste des hybridations

L’oeuvre du cinéaste taïwanais, l’autrice l’envisage chronologiquement, adoptant un découpage par périodes: la trilogie Father-knows-best regroupant les films de la première moitié des années 90 et orchestrant la rencontre de l’Orient et de l’Occident; celle des adaptations de romans anglo-saxons courant de Sense and Sensibility à Ride with the Devil en passant par The Ice Storm; les années 2000, qui le voient, à compter de Tigre et dragon, devenir l’un des fers de lance de l' »indiewood », un courant consacrant l’alliance d’indépendants avec des majors. Et enfin, à partir de Life of Pi, en 2012, le temps des expérimentations technologiques.

L'odyssée d'Ang Lee

Et de proposer une analyse fouillée de chacun des quatorze longs métrages du réalisateur, embrassant aussi bien les conditions de leur réalisation que leurs singularités stylistiques ou leurs enjeux thématiques. Pour dégager les lignes de force de sa filmographie, posant Ang Lee en cinéaste des hybridations, qu’il adapte Jane Austen dans Raison et sentiments – » la jointure entre sense et sensibility s’appréhende sous l’angle du yin et du yang« -, ou Eileen Chang pour Lust, Caution, dont le destin de l’héroïne procède d’un mélange des genres:  » Hésitant entre l’amoureuse du mélodrame et l’héroïne de film patriotique, elle sera in fine rattrapée par le programme tragique du film de guerre. » Voire qu’il mêle prise de vues réelles et recréations digitales, comme dans Life of Pi. Pour souligner aussi combien  » quel que soit le genre investi -du film patrimonial anglais au conte métaphysique en passant par le film de guerre ou de super-héros-, ses drames intimes peignent le combat d’êtres en marge de la société ou éreintés par l’Histoire. Empêtrés dans des tragi-comédies familiales, sociales ou politiques, ils luttent contre toutes sortes de diktats. Le cinéma d’Ang Lee, empreint de métamorphoses, est une ode aux puissances de la fiction qui ausculte l’âme de personnages embarqués dans des temps troublés. » Soit quelques-unes des pistes soulevées par un ouvrage foisonnant, apportant un éclairage passionnant sur l’itinéraire d’un artiste s’étant épanoui entre Asie et Amérique, entre productions indépendantes et cinéma global, odyssée en cours, son Thrilla in Manila étant attendu en 2022.

Ang Lee: Taïwan/Hollywood, une odyssée cinématographique

De Nathalie Bittinger, éditions Hémisphères, 272 pages.

8

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content