L’objet du désir

Sofia Coppola adapte dans une perspective féminine The Beguiled, roman de Thomas Cullinan porté à l’écran en 1971 par Don Siegel. Une réussite vénéneuse.

On n’imaginait guère Sofia Coppola, auteure plutôt versée dans le spleen d’adolescentes bien nées, adaptant The Beguiled, roman écrit par Thomas Cullinan en 1966, et porté à l’écran cinq ans plus tard par Don Siegel avec un Clint Eastwood au faîte de son machisme décomplexé. Et la réalisatrice de Lost in Translation rapporte d’ailleurs, dans les courts bonus accompagnant l’édition Blu-ray du film, que l’idée lui en a été suggérée par sa cheffe-décoratrice, Anne Ross, sur le ton de la plaisanterie. « Mais, ajoute-t-elle en substance, il y était question du rapport de force entre hommes et femmes dans une situation extrême. J’ai pensé qu’il serait intéressant de reprendre le récit, mais du point de vue de ses personnages féminins. »

L'objet du désir

L’action se situe en 1864, en pleine guerre de Sécession, lorsque le caporal nordiste John Mc Burney (Colin Farrell) est recueilli en piteux état dans la pension pour filles que dirige Miss Martha (Nicole Kidman), au coeur d’un Sud profond comme coupé du monde. L’arrivée de l' »intrus » ne va pas sans susciter quelque émoi, un étrange ballet féminin s’orchestrant bientôt autour du convalescent, l’atmosphère se chargeant de désir et de tension sexuelle, tandis que du dehors parviennent les échos du conflit… De The Virgin Suicides à The Bling Ring, la figure du groupe de femmes avec ses dynamiques particulières, est l’une des matrices du cinéma de Sofia Coppola. Huis clos féminin feutré, The Beguiled s’inscrit dans la continuité de l’oeuvre, dont il élargit aussi sensiblement le spectre, se déployant en un mélange de sensualité, de trouble et de cruauté. Non sans convoquer l’imagerie gothique du Sud infusée d’emprunts au cinéma de genre, pour un résultat cotonneux et vénéneux, manière encore pour la cinéaste de se réinventer. Une réussite.

L'objet du désir

Fort librement adapté du Décaméron, de Boccace, The Little Hours s’appuie sur un postulat voisin de celui de The Beguiled. Contraint de fuir le château où il officiait après avoir séduit la femme de son maître, Massetto (Dave Franco), un avenant serviteur, trouve refuge dans un monastère où se languissent de jeunes religieuses (qu’incarnent Alison Brie, Aubrey Plaza et Kate Micucci). L’on devine la suite, et la comparaison s’arrête là, le film de Jeff Baena n’étant rien d’autre qu’une farce médiévale évoluant au ras des pâquerettes (même si vaguement réminiscente du cinéma d’un Mel Brooks). Soit une comédie grossièrement subversive comme Hollywood les produit désormais à la chaîne, le principal sinon seul mérite de ces Bonnes soeurs en version française étant de maintenir, une fois n’est pas coutume, leur cap irrévérencieux jusqu’au générique final…

1. The Beguiled – 2. The Little Hours

1. De Sofia Coppola. Avec Nicole Kidman, Kirsten Dunst, Colin Farrell. 1h33. Dist: Universal. – 2. De Jeff Baena. Avec Dave Franco, Alison Brie, Aubrey Plaza. 1h27. Dist : Universal.

1. 7 – 2. 3

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