L’insomnie

« J’ai tué ma mère. Un oreiller sur le visage. J’ai appuyé un peu… Ensuite, j’ai dormi longtemps, profondément. » Comment ne pas comparer cet incipit au fameux:  » Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas » de L’ Étranger de Camus? Cette mère sera la première victime d’une longue lignée, piégée par le narrateur, scénariste à Tanger. Pourtant, il n’est pas un tueur en série, il est un  » hâteur de mort » et choisit ses candidats avec beaucoup de sens moral, qu’ils soient malades, âgés, en soins palliatifs ou peu dignes de vivre. Car il a besoin de tuer pour trouver le sommeil perdu,  » nuits blanches, nuits sèches, sans rêves, sans cauchemar, sans aventures. Nuits tristes. » C’est le seul remède pour pallier la folie qui le guette. Il doit à tout prix engranger des  » points crédits sommeil« . C’est son salaire: 72 mois de sommeil garanti. Il s’épuise, il faut qu’il chasse du gros gibier, les crédits sommeil explosent. Il a vu trop grand, il est noyé par des tonnes de points crédits, or la vie n’est qu’une fiction qu’une erreur de scénario peut enrayer. Mais quelles sont les causes de ces insomnies? Des migraines? La trahison de sa femme? La solitude?  » Non, il ne supporte pas de ne rien faire, or en dormant, il n’écrit pas, il n’imagine pas, il ne crée rien. » On est loin de la poésie et du lyrisme des premiers romans de Tahar Ben Jelloun. Ici, l’écrivain franco-marocain nous propose un polar métaphysique dont les occurrences macabres peuvent lasser.

De Tahar Ben Jelloun, éditions Gallimard, 272 pages.

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