L’indispensable âge d’or

Cyril Pedrosa et Roxanne Moreil ne se contentent pas de réinventer le récit médiéval: ils bouleversent les codes des BD d’aventures et du roman graphique.

Il était une fois un auteur qui, depuis quelques années, ne peut se contenter de « faire de la BD ». Depuis Portugal, son déjà énorme roman (autobio)graphique, en 2012, chaque album de Cyril Pedrosa ( lire aussi son portrait page 4) devient un événement et une oeuvre ambitieuse. On se demandait ainsi comment, en tant que dessinateur, il pourrait aller plus loin ou plus haut que Les équinoxes, son dernier et formidable récit graphique en date. La réponse est venue avec cet impressionnant âge d’or: soit 230 planches formant la moitié seulement (!) d’un récit à bien des points de vue extraordinaire, à la fois roman graphique en deux parties, récit d’aventures épiques, utopie médiévale, conte politique, chanson de geste féministe et féerie visuelle. Bref, une grande oeuvre qui dépasse le cadre de la seule bande dessinée et qui ne pourra que faire date -si le public les suit.

Le prix de la révolution

Il était donc une fois un royaume accablé par la disette et les intrigues de la cour. À la mort du vieux roi, sa fille Tilda s’apprête à monter sur le trône, avec la volonté de mener les réformes qu’elle estime nécessaires et suffisantes. Mais un complot mené par son jeune frère et téléguidé par d’autres la pousse soudain à l’exil. Bien décidée à reconquérir son royaume avec l’aide de deux fidèles compagnons, Tilda devra mettre la main sur un étrange trésor caché, qui a hanté son roi de père jusqu’à son dernier souffle. Or, pendant ce temps, les révoltes paysannes grondent, des communautés se forment et nombreux sont ceux qui se réfèrent à l’âge d’or pour mener leur propre révolution, un temps légendaire  » où vallées et montagnes n’étaient entravées d’aucune muraille » et  » où les hommes allaient et venaient librement« . Une utopie que certains aimeraient voir devenir réalité. Mais à quel prix?

L'indispensable âge d'or

Si on ne le saura que dans le second tome de ce récit, on sort déjà un peu abasourdi du premier, tant par ses ambitions que par les moyens mis au service de celles-ci. Si l’écriture à quatre mains de ce roman graphique est en soi, déjà, une très grande réussite (l’ampleur du sujet n’écrase jamais le plaisir d’une lecture très fluide), ce sont surtout les choix graphiques osés voire radicaux de Cyril Pedrosa qui marquent les esprits. Tout en gardant la souplesse et la vivacité d’un trait tout en courbes appris et rôdé dans les studios Disney au début de sa carrière, le Français multiplie les audaces inspirées de l’esthétique médiévale: grandes vues d’ensemble dont la narration interne rappelle les tapisseries, utilisation répétée de traits colorés en lieu et place des habituels traits noirs, explosion de couleurs très contrastées se référant à la broderie et à l’enluminure… Cyril Pedrosa vit lui aussi son âge d’or. Reste à espérer que le public suivra l’initiative -un récit à la fois politique et d’aventures, populaire et pointu, médiéval et moderne, classique et féministe… Une révolution qui a un prix: 32 euros le volume, exactement.

L’âge d’or (tome 1)

De Cyril Pedrosa et Roxanne Moreil, Éditions Dupuis, 232 pages.

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