ALEX VAN WARMERDAM SIGNE UN FILM ÉTONNANT, AU CROISEMENT DU CONTE PHILOSOPHIQUE ET DU CINÉMA DE GENRE. UNE COMÉDIE GRINÇANTE, HABITÉE PAR JAN BIJVOET.

Borgman

DE ALEX VAN WARMERDAM. AVEC JAN BIJVOET, HADEWYCH MINIS, JEROEN PERCEVAL. 1 H 53. SORTIE: 18/09.

7

Responsable, à la fin des années 90, de quelques avenantes excentricités cinématographiques, les Little Tony et autre De Jurk, le film qui le révélait en 1996, le réalisateur hollandais Alex van Warmerdam s’était fait quelque peu oublier depuis. Tout au plus si l’actualité festivalière nous apportait, de loin en loin, de ses nouvelles -ainsi, en 2010, avec la présentation de The Last Days of Emma Blank à la Mostra de Venise. La sélection de Borgman en compétition à Cannes sera donc venue à point nommé pour rappeler la singularité de son cinéma, opérant ici un séduisant croisement entre conte philosophique et film de genre, le tout enrobé d’un humour soigneusement décalé.

Cocktail détonant

Inscrit d’emblée dans un environnement insolite, le film s’ouvre alors que trois hommes donnent la chasse à un individu hirsute dans un bois. Réussissant à échapper à ses poursuivants, Camiel Borgman, habité de stupéfiante manière par le comédien belge Jan Bijvoet (lire son portrait page 4), débarque impromptu dans un quartier résidentiel, pour s’arrêter à la porte d’une villa cossue et demander s’il peut y prendre un bain. A quoi le maître de maison, Richard (Jeroen Perceval), répond en lui collant sa main dans la figure, le laissant étendu pour le compte. L’incident n’est pas clos pour autant puisque sa femme, Marina (Hadewych Minis), lui offre bientôt, rongée par le remords selon toute apparence, de l’accueillir en cachette dans la remise située au fond du jardin. Ce faisant, la voilà qui met le doigt dans un engrenage d’événements échappant à tout contrôle: avec Borgman, c’est en effet un élément perturbateur qui s’est insinué dans cette famille bourgeoise -les parents, leurs trois enfants et la nounou-, pour révéler aussi sûrement les failles, hantises et névroses des uns et des autres…

Il y a, bien sûr, du Teorema de Pasolini dans le film de van Warmerdam, qui signe là un conte philosophique aussi curieux que fascinant, dès lors que rien ne viendra, en définitive, lever un tant soit peu le mystère entourant la personnalité de Borgman, figure messianique ou diabolique suivant le point de vue, voire encore un rêve ou la somme de toutes nos peurs. Y ajoutant des éléments empruntés au cinéma de genre (et en particulier aux films de vampires), le réalisateur hollandais réussit un cocktail détonant, une comédie noire joignant esthétique inspirée et critique sociale acide. Soit un film grinçant et savoureux, aussi intriguant que résolument original, dont l’on regrettera tout au plus que la mécanique, un brin systématique, ne s’essouffle quelque peu sur la distance.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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