EN LANÇANT UNE SÉRIE PARTICIPATIVE D’ENVERGURE, OÙ LES INTERNAUTES PEUVENT IMAGINER LE DESTIN DES PERSONNAGES, FRANCE 4 SE LANCE DANS UNE ÉTONNANTE AVENTURE.

« Lydie Salvayre et David Foenkinos, lauréats du Goncourt et du Renaudot annoncés aujourd’hui, risquent de subir de plein fouet les conséquences de restrictions économiques instaurées en France depuis la sortie de l’Euro jeudi dernier. La diffusion et les ventes de leurs ouvrages sont compromises. » Terrible nouvelle pour les deux auteurs. Sauf qu’on n’est pas dans la vraie vie, on est dans un monde parallèle, celui d’Anarchy, une expérience inédite entreprise par France 4, celle d’une série participative et transmedia dont le scénario est alimenté au fur et à mesure par les internautes. Le pilote a été diffusé sur la chaîne le 30 octobre dernier. On y voyait un trio de Français actifs dans l’humanitaire débarquer dans l’improbable château de la Fondation Léopold II, bastion d’un vieux militaire belge et de sa gouvernante. Davantage encore que ces prémices, c’est le contexte général dans lequel s’insinue l’intrigue qui interpelle: la France sombre dans le chaos. Acculé à l’austérité extrême par l’Europe, le pays a dû prendre des mesures drastiques. Contre lesquelles le peuple s’est soulevé. En conséquence, la France, via son président Hollande, a décidé de sortir de l’Euro et de rétablir le Franc. Mais en attendant que la nouvelle monnaie soit opérationnelle, les distributeurs automatiques ne délivrent plus que 40 euros par semaine et par carte. Les magasins se vident, la situation semble virer à l’insurrection. Et les humanitaires se préparent -c’est du moins ce que pensent deux d’entre eux- à accueillir les réfugiés français… Fin du premier acte. Et véritable début de l’aventure.

Une aventure qui doit permettre aux internautes les plus motivés (pas toujours évident de s’y retrouver sur le site) de participer au développement des personnages préexistants, voire d’en inventer d’autres qui pourront être adaptés et intégrés dans l’histoire. L’intrigue avancera ainsi au jour le jour, chacun des sept épisodes à suivre étant en effet écrit, tourné et diffusé dans la même semaine. Un sacré compte à rebours. Directeur des nouvelles écritures pour France Télévisions, Boris Razon, à qui l’on doit le très introspectif roman Palladium, sourit: « Au niveau du compte à rebours, on tient bien, ça va. Notre inquiétude principale se situait plutôt au niveau du nombre de contributions d’internautes que l’on obtiendrait: on en est à 300-400, et environ 900 personnages nous ont été proposés. Chaque jour, on a suffisamment de matière pour faire un roman… La rédaction et les auteurs suivent ces contributions et attirent l’attention des scénaristes sur celles qui pourront intégrer la série. »

L’anarchie, mais dans l’humour

Si l’expérience est assez inédite -D8 et Arte s’y étaient déjà essayées à des degrés divers, avec What Ze Teuf et About: Kate-, c’est par son ampleur et son objet politique qu’elle innove. On retrouve dans Anarchy un petit un air de Bye Bye Belgium, le fameux coup de force de Philippe Dutilleul où la fin de la Belgique était imaginée. Un Bye Bye Belgium agrémenté d’un véritable univers parallèle, riche et dense. Sur le site Internet d’Anarchy, accessible depuis le 30 octobre, on retrouve des articles, des petits JT quotidiens, un flux live, comme sur n’importe quel site d’actu: de vrais-faux journalistes (l’équipe est conséquente) inventent donc une réalité plausible dans une France sortie de l’Euro avec les acteurs actuels de la politique hexagonale, François Hollande et Marine Le Pen en tête, forcés de réagir aux troubles de plus en plus violents qui parcourent le pays. Mais, également, et c’est plus cocasse, avec des retombées sur… le PSG par exemple, où Zlatan Ibrahimovic et les joueurs brésiliens décident de quitter le club. « Savoir si on allait utiliser un univers totalement fictif a été l’objet d’un long débat. Mais on voulait que les joueurs se sentent impliqués dans un univers qu’ils connaissaient. Anarchy parle de la société telle qu’elle est. La fiction complète en aurait trop changé les codes« , poursuit Boris Razon. Reste qu’au rayon bémols, au-delà des grincements de dents que le présupposé de départ (une France hors de l’Euro serait une France de chaos) a fait naître sur les forums, on sera obligé d’admettre que le pilote n’est pas une réussite fulgurante au niveau finesse d’écriture et interprétation. Notre Roger Van Hool national, dans le rôle du vieux militaire traditionnaliste belge, fait ce qu’il peut, mais l’ensemble tourne parfois à la farce un peu grossière. Boris Razon évoque ce parti pris de la légèreté. « On a longtemps cherché l’angle sur lequel on développerait la série, qui est moins au centre du projet que notre site Web, destiné à stimuler la créativité. Il a fallu faire avec nos moyens, qui ne sont pas énormes. On aurait adoré avoir de nombreux figurants et de somptueux décors… On a finalement préféré le regard décalé et humoristique, plutôt qu’un ton sérieux et grave. Mais l’arche narrative nous réserve encore pas mal de surprises, parce que nous, on sait où on va. » A voir tous les jeudis sur France 4, pour vous faire votre idée. Et peut-être intégrer la partie.

TEXTE Guy Verstraeten

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