L’Étrange féminin

L’adage ne dit-il pas que les femmes qui lisent sont dangereuses? Nous les dirions plutôt prodigieuses. Si Hélène Frappat éclaire la vie de Mary Shelley ( Frankenstein), c’est d’une lumière grevée de deuils, d’où ne peut jaillir, in fine, que le pouvoir monstrueux de la fiction. Pour Marie Cosnay, Les Hauts de Hurlevent,  » ce n’est pas un monde, c’est le monde, c’est tout » et nous y grappillons avec elle les tressautements de la lande et de l’âme. Quant à Mary Barbe, héroïne cruelle de La Marquise de Sade de Rachilde, elle transparaît puissante et organique grâce à Clara Dupuis-Morency. Dans le lit tempétueux d’un déluge, la Naïs de Caroline Audibert fraie avec sa nature ondoyante tandis qu’au creux d’une forêt rendue touffue par Bérengère Cournut, une créature autrefois membre à part entière d’un clan se réinvente. Chez Karin Serres, enfin, une individue translucide, née en laboratoire et que les humains refusent de considérer sensible, aspire à une émancipation. N’imaginons donc pas ces autrices rassemblées dans ce recueil par Lucie Eple  » autrement plus douce[s] que cette nuit furieuse » mais plutôt s’aventurant  » jusqu’au bout du noir« , dans des territoires d’émancipation.  » L’heure de la sorcellerie a sonné! » Voilà de quoi nous réjouir férocement, les yeux rivés sur les paysages aux mille nuances de gris de l’illustrateur Jérôme Minard.

De Caroline Audibert, Clara Dupuis-Morency, Hélène Frappat, Bérengère Cournut, Marie Cosnay, Karin Serres rassemblées par Lucie Eple, éditions du Typhon, 292 pages.

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