L’enfer commence avec elle

New York, 1931. Malgré le crash boursier, les snobs de la « café society » continuent à faire la bringue. Le climat d’incertitude semble même plutôt exalter un sentiment d’urgence juvénile qui pousse ces privilégiés à céder à toutes les tentations. Quand ils ne trompent pas leur ennui dans les cinémas, ils s’enivrent de jazz et de Rye à l’eau dans les speakeasies, ces clubs clandestins tenus par la pègre. Ces oisifs ont leurs héros et leurs héroïnes. Comme Gloria, jeune fille libre et moderne qui fait tourner les têtes. Celle de son ami Eddie, mais aussi celle de Weston Liggett, marié et père de deux filles, tiraillé entre sa famille, sa réputation et son désir pour cette « flapper ». Une comédie de moeurs donc, mais traversée d’éclats noirs, chaque coeur, surtout celui de Gloria, renfermant des secrets qu’on devine tragiques. La succession de scènes comme saisies au vol compose un portrait expressionniste doux-amer. Souvent comparé à Scott Fitzgerald dont il a été un proche, John O’Hara, auteur prolixe et célèbre pour Rendez-vous à Samarra, capte la déréliction d’une caste et d’une époque faussement frivole mais lâche trop la bride à ses personnages, dont les atermoiements finissent par lasser. On s’interroge du coup sur la nécessité de rééditer ce roman qui n’est pas tombé dans l’oubli, même avec une traduction reliftée, sinon pour surfer sur la vague du néo-féminisme. Un livre à prendre donc comme une leçon d’Histoire plus que de littérature.

De John O’Hara, éditions de l’Olivier, traduit de l’anglais (États-Unis) par Yves Malartic et Mathilde Desprez, 256 pages.

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