L’amour fou

Carlotta publie une magnifique édition collector de Pandora, film-culte d’Albert Lewin dédié à l’étourdissante beauté d’Ava Gardner. Un chef-d’oeuvre.

Cinéaste esthète aujourd’hui oublié, Albert Lewin signa, tout au long des années 40 et 50, quelques oeuvres majeures, parmi lesquelles, en 1945, un magnifique Portrait de Dorian Gray, avec un étincelant George Sanders, que suivrait, six ans plus tard, le somptueux Pandora and the Flying Dutchman. Poursuivant son travail patrimonial exemplaire, Carlotta a l’excellente idée de sortir ce film-culte dans une restauration 4K qui rend justice au génie du réalisateur comme au Technicolor flamboyant de Jack Cardiff, sans même parler de l’incandescente beauté de sa star, Ava Gardner, semblant descendue de son Olympe pour ensorceler les esprits comme la caméra.

L’histoire de Pandora se déroule en 1930, dans le petit village de pêcheurs d’Esperanza, en Espagne, où la présence lascive d’une chanteuse américaine, Pandora Reynolds (Ava Gardner), a le don d’enflammer les coeurs des hommes, qui succombent sans exception à son charme, comme le fier matador Juan Montalvo (Mario Cabré) ou l’élégant pilote automobile Stephen Cameron (Nigel Patrick). Manège qu’elle savoure, inatteignable selon toute apparence, jusqu’au soir où, intriguée par un yacht amarré dans la baie, elle décide de le rejoindre à la nage, rencontrant son capitaine, le mystérieux Hendrick van der Zee (James Mason)…

L'amour fou

 » L’amour se mesure à ce qu’on est prêt à lui sacrifier« , observe le narrateur du récit. Déclinant la figure de l’amour fou, Pandora revisite la légende du Hollandais volant, condamné à errer de par les mers du globe à travers les siècles, jusqu’à ce qu’il trouve une femme prête à mourir par amour pour lui. À quoi Lewin ajoute le mythe de Pandora, tout en donnant à ce conte sophistiqué des contours esthétiques baroques, auxquels le Technicolor ajoute en sensualité. Baignant dans une atmosphère onirique surréaliste, Pandora opère ainsi comme un charme capiteux, oeuvre vibrant de la passion de son auteur pour une Ava Gardner qu’il semble vouloir caresser de sa caméra -Jack Cardiff, le directeur de la photographie (après avoir notamment signé celle de Black Narcissus et The Red Shoes du duo Powell-Pressburger), raconte en bonus comment le réalisateur multipliait les close up, subjugué par la splendeur de l’actrice.

L’historien du cinéma Patrick Brion relève pour sa part dans l’ouvrage fouillé accompagnant l’édition ultra collector que  » Pandora appartient à ces oeuvres hors du temps » , par la grâce notamment d’un amour défiant les âges , rapprochant le film de L’Aventure de madame Muir de Mankiewicz, ou du Portrait de Jennie de William Dieterle. L’on y ajoutera la Lola Montès de Max Ophüls, autre excentricité née de l’obsession d’un cinéaste; une oeuvre avec laquelle Pandora partage envoûtante étrangeté, raffinement et profonde mélancolie.

Pandora

D’Albert Lewin. Avec Ava Gardner, James Mason, Nigel Patrick. 1951. 2 h 04. Éd: Carlotta.

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