THE NITS FÊTE SES 40 ANS AVEC UN BOX RÉTROSPECTIF ET UN CONCERT À L’AB. L’OCCASION DE REVENIR SUR UNE CARRIÈRE BRILLANTE, RÊVANT UNE POP AUDACIEUSE EN EUROVISION.

Il reste l’un des trésors les mieux cachés de la pop. Non pas que The Nits n’a pas eu son heure de gloire. C’était dans les années 80, avec une série de mini-hits (In The Dutch Mountains, Nescio, JOS Days..). Des tubes discrets et modestes, mais qui tournent toujours dans le juke-box intime de milliers d’amateurs de musique. Depuis, le groupe néerlandais, centré autour du noyau Henk Hofstede-Rob Kloet-Robert Jan Stips, a continué de sortir régulièrement des disques, toujours au minimum intéressants. Récemment, un box rétrospectif (trois CD et un DVD) est venu célébrer les 40 ans de la formation. « L’idée de regarder en arrière n’était pas forcément une évidence. On a toujours l’impression que le projet suivant est le plus important, explique Henk Hofstede. Mais 40 ans, cela attire l’attention. Une série de projets étaient en train de se mettre en place: un docu de la télé néerlandaise, un projet de disque de reprises… Bref, cela devenait bizarre de ne rien faire de notre côté. » L’anniversaire est aussi l’occasion de rappeler à quel point les Nits ont pu incarner la possibilité d’une pop européenne « continentale ». Une sorte de programme Erasmus avant l’heure, sillonnant l’Union dans tous les sens, « riding through Brussels in the rain/back to Paris » (Adieu, Sweet Bahnhof). Retour donc sur 40 ans de carrière, en cinq dates, sur fond d’Hymne à la joie.

1973. Premier grand élargissement, les six pays fondateurs sont rejoints par le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark. The Nits, quant à eux, ne s’appellent pas encore The Nits.

« Le groupe d’alors y ressemblait déjà fort. Ronald Brautigam jouait encore avec nous. Il avait seize ans à l’époque. Mais il n’est pas resté. Il a eu raison: depuis, il est devenu LE pianiste classique hollandais! Nous n’avions pas de plan précis. On voulait écrire des choses, enregistrer des morceaux, c’était la seule chose qui comptait. C’était le plus grand combat, et la plus grande joie. Pourquoi The Nits? C’est vrai que le nom n’est pas très accrocheur (rires). On a failli s’appeler Bricks, mais finalement, on est retombés sur The Nits, qui était le nom d’un des premiers groupes du frère de Ronald. C’était une sorte d’hommage. »

1978. Premières élections européennes. Le NME anglais glisse le Tent des Nits à la 2e place de son classement des meilleurs albums « européens » de l’année.

« L’Angleterre a toujours été un rêve, une fantaisie. Mais dans la réalité, cela n’a jamais vraiment pesé. Dès le départ, on savait qu’il était quasi impossible d’y faire son trou. Surtout si vous veniez de Hollande. Un groupe comme Golden Earring, peut-être, y est un peu arrivé. Shocking Blue, également (leur hit Venus atteindra la première place du Billboard américain, ndlr)… Mais pour un groupe alternatif, c’était trop compliqué. On s’est retrouvés à tourner en Belgique, France, Allemagne,… C’était tout autant une aventure incroyable. Un pays comme l’Allemagne est immense, il est plein d’opportunités. Tourner en Angleterre, c’est plus rude. Cela dit, des Belges l’ont fait, regardez dEUS par exemple! »

1985. Adoption officielle du drapeau européen. Adieu, Sweet Bahnhof est le premier gros hit transfrontalier des Nits. Une rêverie pop pré-Thalys, entre Amsterdam, Bruxelles et Paris.

« La pop est née en Angleterre. Vous ne pouvez pas battre les Anglais sur leur propre terrain (rires)! Sinon en découvrant précisément le vôtre, en inventant votre propre monde. Aujourd’hui, quelqu’un comme Stromae a compris ça. Kraftwerk n’aurait pas pu faire la même musique s’il ne venait pas de Düsseldorf… Pareil avec Einstürzende Neubauten, les Suisses de Yello, etc. »

1989. Sortie de Urk, triple live des Nits. Au même moment, le Mur de Berlin tombe. De son côté, Tim Bernes-Lee, un scientifique anglais du CERN, invente le World Wide Web…

« Internet… Pour un musicien, cela restera toujours une relation amour-haine. Que des oeuvres entières soient téléchargées, sans qu’elles ne fassent l’objet de la moindre rétribution, c’est étrange. Mais c’est comme ça, c’est la réalité. Il faut s’adapter. Par exemple en donnant davantage de concerts. Ce qui est pas mal. Cela reste quand même la base. Les Nits ne remplissent pas des stades? C’est vrai, et c’est très bien comme ça, on tient à une certaine… discrétion (sourire). Donc non, je ne gagnerai jamais la même chose que Bono. Mais je n’aurai jamais non plus le salaire du patron d’ABN-Amro (rires). »

2012. L’Union européenne reçoit le prix Nobel de la paix. Les Nits sortent l’album Malpensa, qui contient notamment Bad Government and its Effect on Town and Country, long morceau très politique de sept minutes. « Bankers and robbers are partners in crime/Politicians lying all the time« …

« On avait déjà fait ce genre de morceaux auparavant, en évoquant Rob Scholte (artiste néerlandais qui a perdu ses deux jambes en 1994, après l’explosion d’une bombe placée sous sa voiture, ndlr) ou l’assassinat du cinéaste Theo Van Gogh… Ici, le morceau répondait à une ambiance très plombée aux Pays-Bas. En particulier au niveau de la culture. On a diminué les subsides de manière drastique. Des orchestres et des troupes de danse ont disparu… Le Nationaal Pop Instituut, qui accompagne les groupes, a vu ses subsides fondre. Cela va prendre des années avant de réussir à réparer tout ce qui a été détruit. L’atmosphère anti-culture est devenue pesante. On entendait vociférer beaucoup de politiciens du VDD (le parti libéral néerlandais, toujours au pouvoir, ndlr). Tout ce qui était artistique devenait suspect d’élitisme! L’art est pourtant essentiel dans nos sociétés, il n’a rien d’élitaire. »

THE NITS, NITS?, DISTR. SONY. EN CONCERT CE 19/12, À L’AB, BRUXELLES.

RENCONTRE Laurent Hoebrechts

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