Presque 3 mois après les États-Unis, nous arrive Despicable Me (lire critique page 31), le premier film d’animation en images de synthèse produit par Universal. Chronique d’un succès pas forcément annoncé.

Il y a une quinzaine d’années seulement, l’animation semblait un genre en voie d’extinction. Les studios Disney, leaders incontestés, terminaient une série de réussites artistiques et commerciales ( Le Roi Lion, Aladdin, La Petite Sirène) et entamaient une longue descente aux enfers ( Mulan, Atlantis, La Ferme Se Rebelle) qui allait entraîner la fermeture (provisoire) de leur département animation classique. Mais un petit studio indépendant, issu des effets spéciaux et nommé Pixar, va sauver la vieille maison (qui l’a racheté en 2006) et reconquérir le public avec Toy Story. Rapidement, chaque major va vouloir s’inféoder un département animation en images de synthèse. La première à dégainer sera la toute jeune Dreamworks où Jeffrey Katzenberg (transfuge de Disney) lance Shrek et ses interminables suites. Quinze ans plus tard, la boucle est bouclée avec Universal et ce Despicable Me (Moi, moche et méchant pour la vf).

L’artisan de ce ralliement un peu tardif se nomme Chris Meledandri. Le studio l’a débauché à grands frais de la Fox où il a supervisé la production des Ice Age ou encore de Horton, gros succès outre-Atlantique dont il a importé l’esthétique et les scénaristes. Universal compte tellement sur son homme providentiel que c’est lui, plutôt que les réalisateurs, qui est envoyé à la rencontre des journalistes. C’est que ce projet n’est pas un coup d’essai, mais le premier jalon d’une stratégie à long terme.

La clé du film (faire d’un « méchant », Gru, le héros) est moins originale qu’on voudrait nous le faire croire (rien que récemment, pensez à Dexter, Watchmen, Public Enemies ou, pour les enfants, Wario le cousin maléfique de Super Mario), mais tout n’était pourtant pas gagné d’avance. Primo, le film n’est ni une suite ni une adaptation, ce qui devient une gageure! Deuzio, il a été entièrement réalisé à Paris, aux studios MacGuff ( voir Focus n°51 de décembre 2009). Tertio, Despicable Me a été conçu dès l’origine en 3D et chaque plan a donc été virtuellement filmé sous 2 angles, au contraire d’autres productions récentes, transformées au dernier moment et au rabais. En conséquence, fait rare, le manque de 3D se fait cruellement sentir lors d’une vision « normale ». Même si certains effets sont un peu faciles, le relief est ici un plaisir coupable et assumé. Dans la catégorie gore, Piranha, l’autre succès 3D de l’été, ne faisait pas autre chose.

En bon producteur, Meledandri sait s’entourer, sentir l’air du temps et, surtout, vendre ses films. Les tordants Minions assurent par exemple la promotion du film sans en être les héros, comme Scratch, l’écureuil muet et hyperactif, le faisait pour Ice Age. L’autre arme de marketing massive est le casting voix. Ainsi la version francophone, supervisée par le co-réalisateur français Pierre Coffin voit Gad Elmaleh succéder à Steve Carrel dans le rôle de Gru. La formule peut sembler paradoxale pour de l’animation, mais elle rassure les studios au pays du starsystem. Tom Hanks, déjà, portait Toy Story. Depuis il y a eu Mike Myers, Cameron Diaz, Eddy Murphy et Justin Timberlake dans Shrek, Will Smith dans Gang de requins ou Jack Black dans Kung Fu Panda. Pour Despicable Me, rajoutez encore Pharrel Williams de NERD à la musique. À l’image de son anti-héros, Meledandri ne recule donc ouvertement pas devant un peu d’opportunisme et de calcul. Cela n’en fait pas un super-vilain, juste un homme d’affaires! Plutôt bien inspiré puisque le film a déjà rapporté plus de 315 millions de dollars de par le monde. La suite est prévue pour 2013 et on devrait réentendre parler du nouvel homme fort de l’animation d’ici-là.

Texte Matthieu Reynaert

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