AVEC MA PART DU GÂTEAU, LE RÉALISATEUR FRANÇAIS REVISITE LA LUTTE DES CLASSES AVEC, EN CADEAU, UNE KARIN VIARD PLUS FORMIDABLE QUE JAMAIS.

Du Péril jeune à L’Auberge espagnole, ses films ont souvent su capter et fixer l’esprit d’une époque. Il en va de même de Ma part du gâteau, où le monde de la haute finance et le monde ouvrier se rencontrent et se confrontent à travers l’histoire d’une ouvrière recyclée en femme de ménage d’un trader. Karin Viard donnant au premier personnage une vitalité bien en harmonie avec le propos politique de Cédric Klapisch.

Tout a commencé par Karin Viard?

J’ai toujours pensé qu’un film est une boîte à désirs. Le premier de ceux-ci, c’était en effet de tourner avec Karin. J’avais écrit un autre scénario, où son rôle se réduisait malheureusement de plus en plus. Alors j’ai décidé d’écrire un film pour elle, autour d’elle. Pour ce qui est du sujet, que je voulais être en prise avec l’actualité, je me suis dit qu’il se passe quelque chose en ce moment, quelque chose d’important et de grave, et que pourtant l’on ne voit pas forcément. Il y a un avant et un après crise financière, et c’est loin d’être fini. Parce que la politique ne parvient plus à maîtriser le monde de la finance. Parce que ce qui frappe la Grèce et l’Irlande est terrible et ne s’arrêtera pas à ces 2 pays. Pour moi, cela s’apparente à la guerre. Mettre en faillite un pays, c’est un acte d’une très grande violence, décidé par un petit nombre de gens et qui en affecte un très grand nombre, cruellement. Je ressens une urgence à réagir à ça. Le cinéma ne s’est pas encore approprié ce sujet. Il était donc important pour moi d’en parler dans mon film.

A travers 2 personnages, ce sont 2 mondes qui se rencontrent…

Le théâtre classique utilisait déjà cette figure: réunir sur scène le maître de maison et sa servante. De Molière à Feydeau, des grands auteurs ont reproduit cette figure qui est bien sûr emblématique d’un rapport social. Dans mon film, j’ai voulu aller au-delà de cette dimension, nourrir la figure de réalité, d’humanité, à l’aide d’informations que je suis allé chercher dans le milieu de la finance à Londres, et dans le milieu ouvrier à Dunkerque. De ce travail d’observation, de documentation quasi journalistique, j’ai tiré ce couple que jouent Karin Viard et Gilles Lellouche. Un acteur qui sait avoir de l’humour, même dans les aspects les plus négatifs de son personnage… qui peut paraître dur, mais qui l’est bien moins que certains traders rencontrés lors de mes recherches.

Vous avez résisté à la tentation d’une conclusion heureuse, où les 2 mondes seraient rapprochés. Ils apparaissent en fait irréconciliables…

Il y a conflit. Et quand il y a conflit aigu, profond, se réconcilier est chose très difficile. Vous en savez quelque chose, en Belgique. Et entre une ouvrière au chômage et un trader, entre une pauvre et un riche, il n’est pas évident de trouver assez de points communs pour encore pouvoir vivre ensemble. Cela dit, j’ai essayé de finir le film sur une note d’espoir. En me forçant un peu, car ma conviction est que la réalité nous en laisse très très peu…

Votre film oppose la solidarité populaire à l’individualisme du monde des nantis…

La solidarité naît et se perpétue là où elle est nécessaire. On se serre les coudes là où la vie n’est pas facile, là où il a toujours fallu lutter pour garantir ses droits. L’idée du chacun pour soi, l’idée que c’est uniquement par soi-même qu’on peut parvenir à quoi que ce soit, mène à la solitude. Quand vous tombez de haut, il ne se presse pas grand monde autour de vous.

A Dunkerque, vous avez tourné avec des interprètes non professionnels?

Oui. Ce sont des gens qui vivent ce que vivent leurs personnages. La fermeture des usines (Arcelor, pour beaucoup), les grèves, la débrouille, l’entraide, ils connaissent. Ce qu’on dit de la chaleur des gens du Nord, de leur esprit collectif, n’est pas une invention. On ne les retrouverait pas aussi forts dans d’autres régions, pourtant elles aussi industriellement sinistrées.

Karin Viard dans le rôle de France, c’était une évidence?

Karin, elle sait tout faire! Elle peut vous faire beaucoup pleurer, et beaucoup vous faire rire. Elle peut être très intelligente, et aussi très bête. Elle a toutes les facettes. Et ce fut un plaisir pour moi de l’emmener dans ce parcours de montagnes russes émotionnelles que vit son personnage, et le spectateur avec lui. Ce film n’aurait pas pu exister sans elle! l

RENCONTRE LOUIS DANVERS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content