Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

CALIFORNIA LOVE – AVEC SON PREMIER VÉRITABLE ALBUM POST-GANGSTA, KENDRICK LAMAR RACONTE UNE VIE D’ADO DANS LE GHETTO DE COMPTON, LOS ANGELES. LE DISQUE RAP DE 2012?

« GOOD KID, M.A.A.D. CITY »

DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL.

Kendrick Lamar a 7 ans. Peut-être 8. Dans la rue en bas de chez lui, c’est l’effervescence. Tupac et Dr Dre sont dans la place pour tourner le clip de California Love, tube de 1996. Pas la version « mad max » du réalisateur Hype Williams, tournée dans le désert, et qui servira de vidéo officielle. Mais un premier essai qui ne sera finalement jamais diffusé. Soit. Le petit Lamar a beau ne pas encore penser à la musique, on n’échappe pas toujours à son destin…

Seize ans plus tard, après sa « mixtape » Section. 80, Kendrick Lamar, protégé de Dr Dre, sort son premier véritable album, intitulé good kid, m.A.A.d city. Une chronique autobiographique brillante, à la fois intime et épique. Le disque hip hop de l’année, ni plus ni moins.

Straight outta Compton

Kendrick Lamar est né à Compton, Los Angeles. Pas le genre d’endroit facile à vivre. Un quartier-ghetto noir, qui reste notamment la proie de règlements de compte réguliers entre gangs rivaux. Même si la situation ne semble plus aussi explosive que dans les années 80-90. A l’époque, le hip hop avait été la première et seule musique à refléter le chaos urbain. En 88, le collectif NWA sortait Straight Outta Compton et inventait du même coup le gangsta rap. Pour le meilleur. Et aussi pour le pire, la virulence du propos devenant rapidement un gimmick marketing comme un autre.  » America target our rap market, its controversy and hate« , rappe Lamar, lucide.

Il prolonge lui-même cette histoire. A sa manière. Dans le clip de Straight Outta Compton, NWA avançait en bande, menaçant, les baskets en flammes. Autre époque, autre optique: Lamar préfère l’introspection, moins dans la dénonciation que dans le récit personnel. Good kid, m.A.A.d city raconte la trajectoire d’un ado de 17 ans, ses errances, ses doutes, constamment sur le fil: my Angry Adolescence divided (m.A.A.d, donc). La drague, l’alcool ( Swimming Pool), la violence, les mauvais coups, l’effet de bande (  » I’ve never been violent, until I’m with the homies« , avoue-t-il sur The Art of Peer Pressure)… Tout y passe, avec un sens du storytelling aussi simple que fulgurant ( » It’s 2.30 and the sun is beaming/Air conditioner broke and I hear my stomach screamin’ « ). Cela donne notamment le diptyque Sing About Me/I’m Dying of Thirst, sommet de l’album, morceau-charnière long de 12 minutes. Il est suivi par Real, mot-clé de l’univers hip hop auquel Lamar redonne une nouvelle intensité. Entre les morceaux, des extraits de conversation avec les parents de Lamar apparaissent comme des contrepoints, qui achèvent de donner une envergure inattendue au disque. Au magazine Complex, le rappeur déclarait notamment vouloir que l’on pense à son album, « en se disant: « Je sais qui est cette personne « , plutôt que « C’est la chanson qui a fait un carton. «  » Mission accomplie.

La black music a toujours été traversée par une certaine tradition des ghetto stories, riche de véritables chefs-d’£uvre, du Innervisions de Stevie Wonder au Ready to Die de Notorious BIG. On peut désormais y ajouter Good kid, m.A.A.d city.

– EN CONCERT LE 3/02, À L’ANCIENNE BELGIQUE, BRUXELLES

LAURENT HOEBRECHTS

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