Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

CINQUANTE ANS APRÈS LA MARCHE DE SELMA, LE LIVE LÉGENDAIRE DES STAPLE SINGERS, FREEDOM HIGHWAY, BÉNÉFICIE D’UNE SUBLIME RÉÉDITION. PRAISE THE LORD!

The Staple Singers

« Freedom Highway Complete »

DISTRIBUÉ PAR SONY.

9

Pop Staples

« Don’t Lose This »

DISTRIBUÉ PAR ANTI/PIAS.

8

Lors de la dernière nuit des Oscars, le maître de cérémonie, Neil Patrick Harris, introduisait la soirée par cette pique: « Tonight we celebrate Hollywood’s best and whitest, sorry… brightest. » Un lapsus évidemment volontaire qui mettait en avant la spectaculaire absence d’acteurs de couleur dans la liste des nominés… Il a fallu en fait attendre l’Oscar de la meilleure chanson originale pour voir arriver sur scène le rappeur Common et le chanteur soul John Legend, récompensés pour leur morceau Glory, tiré du long métrage Selma (lire page 10). Les deux musiciens n’ont eu aucun mal à rattacher l’événement historique raconté par le film à l’actualité -Legend rappelant par exemple qu’il y avait aujourd’hui plus de Noirs sous contrôle judiciaire aux Etats-Unis qu’il n’y en avait en esclavage en 1850…

De la même manière, la réédition du live de Staple Singers, intitulé Freedom Highway, tient à la fois du document historique et de la fulgurance toujours vibrante. Organisées entre le 7 et le 25 mars 1965, les marches, reliant Selma à Montgomery, furent un moment clé de la lutte pour les droits civiques. Quelques jours plus tard, le 9 avril, Pops Staples, proche du Dr King, et leader d’une fabuleuse formation familiale gospel composée de ses enfants Pervis, Cleotha, Yvonne et Mavis, donnait une performance bouleversante à la New Nazareth Church de Chicago. C’est ce concert qui fait l’objet aujourd’hui d’une ressortie et d’un lifting éblouissants. Comme l’explique Pops lui-même, Freedom Highway est un hommage direct aux marcheurs. Pour la première fois, la performance est ici livrée dans son intégralité (on a même droit au rappel à l’ordre du révérend Hopkins, lors de l’offrande, « we just ask you to give », bruit de la monnaie compris). Au point de donner l’impression d’assister en direct à la cérémonie, assis dans le fond de l’église, éberlué par tant d’énergie et de puissance musicales.

Décédé en 2000, Pops Staples marqua profondément la musique gospel, la sortant de l’église pour lui faire rencontrer le monde et d’autres musiques profanes. Peu avant sa mort, il a encore eu le temps d’enregistrer une série de titres, qu’il confiera à sa fille Mavis. Ils sortent aujourd’hui, rassemblés dans un album intitulé Don’t Lose This, produit, comme les derniers albums de Mavis Staples, par Jeff Tweedy (Wilco). On retrouve cette même rondeur dans le son, et cette humilité qui préfère se passer de toute modernisation déplacée. La guitare de Pops Staples est au centre du jeu, tricotant des arabesques blues rêches, comme groggy sous le soleil (Sweet Home, Nobody’s Fault But Mine), ou déliant une soul fraternelle (Friendship, Will The Circle Be Unbroken). Une musique entre ciel et terre, éblouissante.

LAURENT HOEBRECHTS

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