L’ACTRICE VOULAIT TRAVAILLER AVEC BRUNO DUMONT. CAMILLE CLAUDEL 1915 LA VOIT SUBLIMER CETTE RENCONTRE AU SOMMET.

« Je désirais travailler avec Bruno. Alors je lui ai téléphoné. Un appel comme une invitation, une invitation ouverte. J’adore ses films réalisés dans son nord de la France, avec des acteurs non-professionnels. Mais j’avais envie de le voir s’avancer vers le monde, à travers moi. Etant occupé (un tournage ou un montage, je ne sais plus), il a eu un mois et demi entre mon coup de fil et notre première rencontre. Cela lui a suffi pour décider ce qu’il voulait faire avec moi. Il venait de lire un ouvrage sur Camille Claudel, et de réaliser qu’elle avait mon âge actuel quand elle fut internée. Il se trouve aussi qu’il m’a vue dans un programme télévisé où je parlais de ma peinture, du livre de portraits que je publiais. Il a aimé ma manière d’en parler, il m’a crue (rire) et il a ainsi vu la possibilité de me faire jouer Camille… » Juliette Binoche est heureuse d’avoir pris l’initiative, comme elle l’avait fait avec Abbas Kiarostami, et de s’être proposée à l’austère Dumont qui lui expliqua d’abord « vouloir filmer une femme seule, et qui attend, dans une maison, très loin du monde… » Et l’actrice de se rappeler: « Il m’a vue très intriguée, et ce n’est qu’alors qu’il a mentionné Camille Claudel.  »

Binoche se rappelle avoir lu sur la sculptrice alors qu’elle avait seulement seize ans, et en avoir été très touchée, au point d’épingler le portrait de l’artiste au-dessus de son lit, dans sa chambre d’adolescente. « Elle était toujours restée avec moi, je comprenais sa passion, son besoin de créer, son désir d’indépendance. Quand Bruno Dumont a dit son nom, j’ai pensé: « Mais comment sait-il? » » Le cinéaste lui expliqua qu’elle ne pourrait pas lire le scénario, et que sa source d’inspiration serait la lecture des lettres de Camille (« Ainsi imprégnée, je parlerais comme elle, m’a-t-il dit. « ). Juliette était prête à tout accepter, mais elle émit une unique exigence. « Il me fallait un coach, pour pouvoir me brancher, pour ce massage de l’intérieur dont je ressentais le besoin absolu. Bruno était interloqué, il m’a dit qu’à l’évidence, il était le réalisateur et serait là pour moi. Mais je lui ai expliqué que c’était le deal: je ne lirais pas le script mais il m’accorderait le droit d’avoir un coach pour deux semaines(1)! »

Illumination

« Dreyer nous manque, Tarkovski nous manque, il nous faut des visionnaires, capables d’ouvrir des mondes intérieurs, de révéler la vie, sans manipulation du spectateur, clame la comédienne. Bruno Dumont fait partie de ces artistes rares, chacun de ses films a bouleversé mes points de vue, mes sentiments, et a laissé en moi une empreinte profonde. » Le tournage de Camille Claudel 1915 en fera de même. « Le processus fut passionnant, raconte Binoche. Chaque première prise était comme la première forme d’une sculpture en argile, une forme brute, pleine de vie mais encore mal dégrossie. Et puis, petit à petit, prise par prise, nous enlevions de la terre, nous simplifions les choses, nous affinions le trait. Et cette émotion massive qui m’avait touchée brutalement au début du tournage, comme une hantise, cette émotion qui m’avait fait pleurer durant presque trois semaines (ce qui rendait Bruno très impatient…), a fini par céder la place à une sorte d’illumination, d’harmonie, de béatitude. Un sentiment que je n’avais jamais éprouvé auparavant. »

(1) LA COACH EN QUESTION EST LA TRÈS RENOMMÉE NEW-YORKAISE SUSAN BATSON, DONT LE SITE WEB EXPLIQUE LES MÉTHODES: HTTP://WWW.SUSANBATSONSTUDIONYC.COM

L.D.

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