BRANCHÉ LE WEEK-END DERNIER À ANVERS, LE SCREENSHAKE FESTIVAL SECOUAIT LE GAMING INDÉ SOUS TOUTES SES FORMES. EXPLICATIONS AUX CÔTÉS DE LITTLE NANDO, VIDEO GAME JOCKEY ARGENTIN PRÊT À ENTERRER LE DJING DE PAPA.

Diffusé à l’arrière scène sur une toile géante, un « FUCK YOU » gigantesque fait de briques pixélisées défile sur le paysage d’une version sérieusement hackée du premier Mario sur NES. Au pied de l’estrade, des duos de gamers échappés de la foule se succèdent pour tenter de vaincre Tough Coded. Derrière cette performance pas banale: Little Nando, artiste argentin de 35 ans qui fait bouger la salle à coup de salves électro. Multitâche, il prend aussi possession des décors de son jeu en live pour énerver le public qui le défie…La nouvelle forme de gaming bâtard, entre DJing et VJing interactif, secouait la première édition du Screenshake d’Anvers.

Derrière ce festival indoor qui célébrait, le week-end dernier, le jeu vidéo indépendant à Het Bos à Anvers, une dizaine de conférences, deux expos et des DJ sets en soirée. Comme les disquaires, les magasins de jeu vidéo ferment leurs portes. Mais de nouvelles formes de rencontres in real life se multiplient. Des soirées Wild Rumpus au phénomène des bars e-sports (comme le Meltdown à Liège): les genres différent, le public aussi. Organisé par la House of Indie, le Screenshakeressemble lui au fils illégitime de Dour et de Sundance.

« You can’t beat me suckers!« , tape fébrilement Little Nando sur son immense écran. Triomphant et coiffé d’un masque robotique étincelant de flash LED, l’ambianceur auDJ set extraterrestre se définit comme un video game jockey. Prenant une des deux manettes mises à disposition pour battre le créateur sud-américain, les cobayes spectateurs tirent à tout-va dans un shooter oldschool gorgé de glitchs. George Clooney joue aux boss de fin de niveau psyché que l’on dégomme sur un remix de Karma Police. Accélération, gel d’écran, chute d’un plafond de piques… Nando habite son jeu et multiplie les imprévus.

« J’aime jouer un rôle quand je monte sur scène. Le masque est donc vital », sourit Nando Sarmiento, à visage découvert. « Surtout quand j’insulte les joueurs qui m’affrontent lors de ma prestation. J’avais déjà fait un set marathon de cinq heures à San Francisco et la chaleur insupportable m’avait fait tomber le masque. A partir de là, plus personne ne rigolait, j’étais juste un connard qui insultait les gens. » Patron d’une boîte de pub etex-VJ qui a entre autres déjà officié pour Junkie XL lors du Creamfield, l’artiste argentin n’était pas le seul profil marquant les deux soirées festives du Screenshake.

Joost van Dongen transformait ainsi son violoncelle en manette de jeu pour défier le public sur le bien nommé Cello Fortress tandis que la soirée Algorave rassemblait une foule de DJ’s créant de la musique électronique générée par des lignes de code tapées en direct sur scène. Le chip tune, mouvement électro embrassant des sons 8 bits cras, dominait lui les débats du samedi soir avec entre autres Chipzel, Lobst3r et Dj Storno, trois noms en vue du mouvement.

Un rassemblement courant dans des pays anglo-saxons mais jamais vu à l’échelle belge. « C’est la première année que nous lançons un vrai festival qui s’étend sur trois jours d’affilée. Depuis deux ans, on organisait des rencontres de créateurs de jeux indé auxquelles venait s’ajouter une petite expo »,note Bram Michielsen, un des quatre fondateurs de la House of Indie, collectif anversois derrière l’événement. « A force d’être invité dans des événements comme la Game Developper Conference de San Francisco ou même d’en organiser certains, comme ces soirées en marge de la Nordic Game Jam, j’ai fini par connaître pas mal d’artistes qui réalisaient des chouettes performances en live », poursuit Jonatan Van Hove, deuxième quart de l’association et développeur indé de talent qui officie au sein de Glitchnap.

La vie, la vraie

Bien décidé à montrer que le jeu vidéo ne se limite pas à Call of Duty, le Screenshake abritait également sur un de ses trois étages une expo temporaire jetant à travers seize oeuvres un pont jubilatoire entre réel et virtuel. Le renommé Papers, Please, une simulation de douanier émotionnellement chargée, se jouait ainsi incrusté dans un banc d’école cerné de tampons de douane et de faux passeports. A côté, un tableau tapissé de centaines de prismes triangulaires mobiles (dont chaque face affiche une trois couleurs primaire) demandait de reproduire des dessins pixélisés que l’on crayonnait au préalable sur une feuille de papier. Le tout pour cerner « en vrai » l’importance de la perspective sur le pixel.

Keita Takahashi, pape du jeu vidéo indé nippon connu pour Nobi Nobi Boy voyait, lui, son projet fou (et avorté) de plaine de jeu prendre vie avec une installation de lancers de fausses pelotes de laine attachées à deux rails. « J’aime créer des objets qui donnent une certaine forme de vie au jeu vidéo. Les boutons, les sticks, les matériaux… Le sens du toucher est essentiel pour moi », note Thomas Devillé, instigateur de l’expo, illustrateur, ébéniste et seconde moitié de la House of Indie avec Hannes, son frère. « C’est opposé à la nature même du jeu vidéo, qui n’existe pas vraiment. «  Des titres à la GTA essayent tous les jours de mimer des mondes dans leurs moindres détails. Partir dans l’autre direction pour donner vie in real life à un monde numérique impalpable: un voyage magnétique, à l’image du Screenshake.

TEXTE Michi-Hiro Tamaï

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